En cette période de reprise de l’école et d’impératifs éducatifs, on en oublierait presque les vacances d’été.
Pourtant elles démarrent bien le 4 juillet comme prévu. Ces dernières semaines, des personnalités estampillées « spécialistes » de l’éducation auraient bien voulu les raccourcir. Mais elles sont bien là, les vacances, plus prometteuses que jamais. Comme l’espoir de renouer avec la douceur de vivre, la farniente, l’absence d’horaires et le principe de plaisir. Alors, c’est parti pour une plongée en eau douce ou salée, pour une virée à la campagne ou dans le parc d’à côté. Avec un seul mot d’ordre : détente ! Ce n’est pas moi qui le dit mais Mélissa que vous allez retrouver aux côtés de Ryan, Hédi, Cyd et Flavie, mes jeunes comparses du jour.
Quelques données statistiques sur les vacances pour débuter…
Ceux qui partent et ceux qui restent
Commençons par quelques chiffres. Selon le Crédoc, 63% des Français sont partis au moins une fois en vacances (séjours d’au moins quatre nuits consécutives, hors raisons professionnelles) en 2019. Partant de ces résultats d’enquête, l’Observatoire des vacances d’été et des loisirs des enfants et des jeunes (OVLEJ) a lancé sa propre étude et rendu ses conclusions il y a quelques jours. Parmi ces 63% de vacanciers, les parents d’un enfant étaient 65%, ceux de deux 70% et de trois et plus 67%. Ces données tendent à montrer que le fait d’avoir des enfants de moins de 20 ans influence la décision de partir en vacances.
Par ailleurs, 36% des jeunes Français (entre 5 et 19 ans) ne sont pas partis en vacances en 2019, soit 4,4 millions d’enfants et de jeunes concernés. À titre de comparaison, ils étaient 75% en 2011 contre 64% en 2019 à avoir pu partir en vacances. Toutefois, l’Ovlej signale que cette variabilité pourrait être due à des méthodes de calculs différents et ne saurait être interprétée cette année. Cependant, les motifs de non départ en vacances restent les mêmes. La première cause invoquée est d’ordre financier, 54%, surtout pour les familles monoparentales, les parents séparés ou divorcés.
Les vacances d’été en collectivité
Ensuite vient le refus de partir dans une structure d’accueil collectif avec 30% des raisons invoquées. Cependant, 3/4 des Français se déclarent favorables à ce type de vacances. Ils considèrent même qu’il s’agit d’une chance, indépendamment des revenus ni même de la possibilité pour les parents de partir avec leurs enfants. La tranche d’âge des 11-14 ans remporte le plus d’avis positifs pour des vacances en collectivité. Dans l’ensemble, 40% des jeunes de 5 à 19 ans sont partis uniquement avec leurs parents, 37% avec et sans et 21% uniquement sans. D’autre part, le taux de départ en vacances est plus élevé dans l’agglomération parisienne et dans les villes de plus de 100 000 habitants. Il est nettement inférieur dans les zones rurales.
Vacances d’été en famille
La version « classique » : vacances parents/enfants
Parmi les jeunes que j’ai interrogés pour connaître leurs préférences en matière de vacances, la plupart plébiscitent les vacances avec leurs parents, comme Mélissa. D’un point de vue statistique, ce mode de vacances concerne 77% des jeunes vacanciers.
Mes parents sont séparés. Avant on partait tous ensemble, c’était super. J’avais peur que ce soit nul de partir avec seulement un des deux. Mais en fait, non ! Je fais des activités hyper différentes, c’est cool. Ma mère est plutôt sportive et mon père adore l’histoire. C’est comme ça que l’année dernière j’ai fait des randos dans le Limousin et j’ai continué avec les châteaux du Périgord. C’était génial ! Pas de dispute, que du fun. Je profite des deux, mais séparément.
Mélissa, 16 ans
Mélissa me confie également que c’est pour elle l’opportunité d’approfondir sa relation avec chacun de ses deux parents. Ceux-ci se sont quittés en bon terme, mais ils sont rarement d’accord. Alors les vacances c’est le moment de lâcher du leste, de mettre de côté l’école, les cours, les notes. Surtout avec un papa prof de maths ! Voir ses parents sous un autre jour que celui du quotidien, c’est ça les vacances de rêve pour Mélissa.
Chez mon tonton, ma tata, ma mamie, mon papi…
Ensuite, « 33% des partants ont profité de séjours avec ou chez d’autres membres de la famille. »
Depuis que je suis née, je vais toujours au même endroit en vacances. Ma tante habite en Normandie en pleine campagne et j’y reste la moitié de l’été. J’adore retrouver mes petites habitudes, même si j’aimerais bien faire autre chose aussi. Mais c’est pratique et c’est pas cher !
Flavie, 15 ans
Comme beaucoup de jeunes, Flavie part en vacances dans sa famille. Elle y retrouve ses cousins et cousines dans la maison de sa tante. Ses parents la déposent au début du mois de juillet et reviennent trois semaines plus tard pour y passer eux-mêmes quinze jours. Pendant son séjour, elle voit défiler toute la famille. Ce va-et-vient crée de nouvelles surprises, de nouvelles rencontres, comme lorsqu’un cousin vient avec sa petite amie ou que son oncle annonce son mariage pour l’été prochain.
Heureusement qu’on s’entend tous bien. C’est pour ça que c’est le paradis ici ! Les vélos, les chaises longues, le cerisier et le tuyau d’arrosage. C’est ce que j’appelle se la couler douce ! On a le droit de faire ce qu’on veut, sauf d’embêter les adultes. La plupart du temps, on reste à cinq ou six, sans ma tante, et on se débrouille la journée. Ça passe super vite. Surtout qu’on se lève pas avant onze heures/midi !
Flavie, 15 ans
Cependant, tout n’est pas toujours idéal dans les familles et nombreux sont ceux qui s’embrouillent et ne se supportent pas. Finalement, ce modèle de vacances est sans doute l’un des plus anciens ! Envoyer les enfants à la campagne, fuir les villes, les appartements et retrouver la fraîcheur des arbres. Les premiers vacanciers des congés payés en 1936 se délectaient déjà des coins de verdure à portée de vélo.
Profiter de sa famille aux quatre coins de la France ou ailleurs se pratique toujours fréquemment. Bien sûr, cette solution a des avantages économiques, mais elle permet aussi de se rapprocher des différents membres de la famille. Les vacances libèrent cet espace de possibles, d’autrement. Au point parfois de générer des attentes impossibles à satisfaire et provoquer de lourdes frustrations. Je ne parlerai pas ici des vacances ratées puisqu’au contraire mon idée est de débusquer ces moments de bonheur, d’insouciance, de légèreté. Continuons avec Hédi qui part tous les ans à Nabeul en Tunisie.
Vacances d’été « au pays »
Chaque été, certains jeunes « retournent au pays » comme ils disent. Ainsi, c’est l’occasion pour eux de passer du temps avec celles et ceux qu’ils ne voient pas le reste de l’année, comme pour Hédi.
Tous les étés, mon père descend avec la voiture jusqu’à Marseille. Ça c’est la partie galère. On est entassé à cinq dans la 206 et on crève de chaud. Après j’adore. On prend le bateau pendant 20h. Mes soeurs détestent parce qu’elles sont malades, mais moi je me ballade partout et je regarde. J’ai l’impression de partir à l’aventure. Quand on débarque à Tunis, on se prend une grosse claque de chaleur, mais on est trop contents.
Hédi, 14 ans
Hédi me raconte comment la vie en communauté dans la ferme de son grand-père le transforme pendant deux mois.
Pas de portable, juste la télé pour le foot et la sieste tous les jours. On a 1/2h de marche pour aller à la plage, mais on s’en fout ! On discute, on se fait des passes et après le bonheur : baignade, sieste, beignets. Et les potes ! On vient de partout de la France et on a en commun ce petit coin de Tunisie. Parfois, j’aide aussi mes cousins à la laiterie, mais je préfère sortir m’amuser.
Hédi, 14 ans
Hédi me raconte qu’il aimerait bien travailler avec les artisans de Nabeul qui fabriquent de magnifiques poteries. Beaucoup de touristes se déplacent jusqu’ici pour acheter de la vaisselle. Lui ce qu’il voudrait c’est créer sa propre ligne avec une de ses soeurs, faire fabriquer sur place et exporter en France et pourquoi pas dans toute l’Europe.
On ne voit pas ça en France. Là où j’habite il n’y a que des centres commerciaux et des usines super moches. Ici tu rentres voir les gens qui travaillent, tu discutes, c’est ouvert. Moi j’aime ce contact. J’espère que je vais pouvoir faire quelque chose avec eux. Je serais super fier de moi ! Et ma famille aussi.
Hédi, 14 ans
Je trouve très émouvant le témoignage d’Hédi car il montre la richesse des possibles. Dès lors que l’on voyage, que l’on va à la rencontre des autres, les idées, les projets fourmillent. Et s’il ne développe pas une entreprise de poterie, peut-être ira-t-il vers des secteurs auxquels il n’aurait pas songé. Voilà comment naissent certaines vocations, au détour d’une promenade, d’une discussion, en faisant du lien entre différents éléments de soi.
Avec des ami-e-s
Si les vacances en famille font la quasi unanimité parmi les jeunes que j’ai écoutés, toutes et tous apprécient la compagnie d’autres jeunes de leur âge. Pour Flavie ce sont ses cousins et ses cousines, pour Hédi les cousins et les amis qu’il retrouve d’une année sur l’autre. Mais pour certains, la meilleure solution consiste à partir en famille AVEC un-e ami-e (19% des jeunes vacanciers).
Pour moi les vacances c’est forcément avec les parents. C’est le seul moment de l’année où on peut se voir vraiment. Je veux dire sans courir ou sans se parler de travail et de cours. Le problème c’est qu’on n’a pas les mêmes envies et comme c’est leurs vacances aussi, c’est chaud pour se mettre d’accord. En gros, soit je m’ennuie à rien faire pendant qu’ils font la sieste, soit
c’est moi qui squatte la chaise longue et qui veux pas bouger… Mais on a trouvé la bonne formule : partir avec une pote !
Cyd, 17 ans
Cyd me raconte qu’au départ ses parents n’étaient pas d’accord. Ils voulaient passer du temps avec elle et avaient peur de ne pas profiter de leur fille. Mais elle les a convaincus de partir avec sa meilleure amie et ça s’est très bien passé.
On a tout de suite fixé des règles. On devait être autonomes, gérer notre linge et participer aux repas. Ma copine et moi, on était trop contentes. Chacun pouvait faire son petit programme et on ne s’est pas ennuyées. On va refaire ça cet été, j’ai trop hâte !
Cyd, 17 ans
Voilà une solution qui pourrait plaire à de nombreuses familles. D’ailleurs, il peut être extrêmement enrichissant pour un jeune de découvrir d’autres façons de vivre. L’approche est encore différente de la collectivité puisque celle-ci répond à des impératifs réglementaires. En partageant la vie d’une autre famille, on découvre l’altérité. De plus, on peut enrichir son point de vue sur le monde. Appréhender cette diversité confère des compétences psycho-sociales, utiles au développement personnel. Je pense bien sûr à l’autonomie, la responsabilité, l’entraide, l’empathie etc.
De plus, en complément de l’altérité, on fait l’expérience de la permanence. Les lois, les règles sont les mêmes pour tous, quels que soient le lieu et les personnes avec qui on est. Ce cadre, avec toute la variabilité d’une famille à l’autre, structure la pensée et autorise les actes. Et c’est dans ce cadre que s’épanouit la liberté de chacun, jeune comme adulte.
Vacances d’été sans parents
Pour certains, l’éloignement de la famille constitue l’espace nécessaire pour prendre son envol. D’une manière générale, les vacances en collectivité sont plutôt bien perçues par les familles. L’étude de l’OVLEJ recense trois types d’accueil :
- clubs et associations sportifs et et culturels,
- centres de loisirs,
- mouvements de jeunesse (scoutisme) et
- structures d’accueil collectif pour mineurs et adultes (maisons de quartier, MJC, centre social…).
Ces établissements proposent des activités à l’année et pendant les vacances. D’un point de vue sociologique, « les familles les plus représentées dans les accueils de loisirs sans hébergement sont celles ayant des hauts revenus (30 % des enfants issus de ces foyers inscrits, contre 22 % en moyenne) et des bas revenus (25 % d’entre eux). » Les familles des classes moyennes supérieures ont une préférence pour les associations et clubs sportifs. On retrouve les mêmes tendances pour tous les types d’accueil.
Centres de loisirs et colonies de vacances
Les séjours en collectivités concernent 31% des jeunes entre 5 et 19 ans, avec une nette prépondérance pour les 11-14 ans. On y trouve les colonies, les camps de vacances, le scoutisme, les séjours linguistiques, les stages sportifs et culturels. En la matière, l’offre à destination des jeunes est variée. De plus, des dispositifs économiques permettent aux familles à faibles revenus de faire partir leurs enfants (mairies, secours populaire, association Louis Conlombant…).
Cependant, certaines familles craignent d’envoyer leurs enfants passer leurs vacances en collectivité. Mais celles qui franchissent le pas se déclarent conquises et récidivent les années suivantes. Parmi les freins invoquées, le refus de l’enfant vient en premier. Il s’explique sans doute par la crainte des parents eux- mêmes. Les jeunes seront-ils bien surveillés ? Réussiront-ils à se faire des ami-e-s ? Les activités proposées leur plairont-elles ? Autant de questions pour lesquelles les parents obtiendront généralement une réponse positive après une première expérience.
Par ailleurs, l’âge constitue un critère important dans la décision d’envoyer ses enfants en collectivité. Avant 11 ans et après 15 ans, les parents privilégient un autre type de vacances d’été. Pour les plus jeunes, les parents opteront pour des vacances d’été en famille, tandis que les plus âgés tenteront d’inviter un-e ami-e sur leur lieu de vacances. Et pour les 16 ans et plus, l’option vacances entre ami-e-s, SANS famille, fait rêver !
L’aventure entre potes : les « bons plans »
En fait, j’ai posé la même question à tous les jeunes que j’ai interrogés, à savoir dans le futur, quel type de vacances te ferait le plus rêver ? Ils m’ont presque tous répondu : partir en bande d’ami-e-s !
Mon père m’a raconté que quand il avait 17 ans il est parti avec trois potes faire du camping en Grèce. Il en parle toujours comme d’un super souvenir. Ils ont fait des trucs de dingue. Pas mal de bêtises aussi… Mais au final, ils se sont méga amusés. Mon père s’était trimballé sa guitare partout pour faire genre je joue sur la plage de Mikonos. J’aurais trop aimé voir ça. Avec mes potes, on prévoit d’aller faire un tour à Ibiza, mais je ne sais pas combien ça coûte. Il va peut-être falloir que je trouve un job d’été. Le premier ! Mais cette année avec le coronavirus, je ne sais pas si ça va être possible.
Ryan, 16 ans
Finalement, la question des vacances d’été peut s’avérer un moteur pour la prise d’autonomie des plus âgés. La question du financement des vacances incite certains et certaines à décrocher des petits boulots pour assumer leurs frais tout seul. À noter toutefois que la tranche des 20-24 ans est celle qui part le moins en vacances (Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, 2004). La raison principale est d’ordre économique : absence de financement familial et taux de chômage (22%) parmi les plus élevés d’Europe. Cette tendance s’alourdit d’année en année, éloignant de plus en plus les jeunes de ces moments de joie et de détente que sont les vacances d’été . De plus, les jeunes actifs, fraîchement installés dans leur logement, patientent encore un moment avant d’investir dans l’immatériel.
Finalement, lorsqu’ils deviennent parents à leur tour, ils ont hâte de partager une petite bulle hors du temps avec leurs enfants. Pendant ces deux ou trois semaines, les adultes revivent aussi leur enfance et transmettent à leurs enfants les petits plaisirs de la vie. Une glace emportée et dégustée en bord de plage à la belle étoile, un feu d’artifice éclairant une prairie d’herbes folles, une glissade improbable sur le toboggan aquatique du camping… Et vous, quels sont vos doux souvenirs de vacances ? En fermant les yeux, pouvez-vous y associer un goût, une odeur, une sensation ? Encore quelques jours, quelques semaines, et vous y serez !