Sans doute avez-vous laisser filer entre vos mains ce joyau cinématographique? The Florida Project est un film qui parle de l’enfance sous un angle inédit.
Synopsis du film The Florida Project
Nous sommes à Orlando en Floride, Métropole connue pour son grand parc d’attraction, Disney World.
Orlando, la ville qui fait rêver beaucoup d’enfants américains mais certainement d’autres à travers la planète.
Pourtant l’enfance qui est dépeinte dans “The Florida Project”, est loin du monde festif, naïf, idyllique de Disney World.
Du Magic Castle, n’est magique que sa couleur mauve, couleur joyeuse contrastant avec l’extrême pauvreté et la détresse de ses habitants. Et puis le lieu est étonnamment propre, quasi aseptisé.
Magic Castle fait “carton pâte”, et il a l’allure d’une gigantesque maison de poupée coquette.
Le Magic Castle est une hôtel bon marché qui accueille la clientèle Disney peu fortunée. Par la force des choses, le lieu a été envahi par une population pauvre qui s’y est sédentarisée, le temps de se remettre d’aplomb.
La crise des subprimes de 2008 est passée par là, comme une tempête, elle a tout emporté avec elle.
Le Magic Castle ressemble davantage à un quartier pauvre où le troc, les trafics, les mauvaises fréquentations vont bon train. Et puis, il y a les va et vient de ces camions humanitaires distribuant des colis alimentaires qui font fuir le peu de touristes qui ont choisi de louer ici, le temps d’une visite du parc d’attraction.
Magic Castle est comme tous ces hôtels à Paris qui accueillent les mal logés.
Moonee, Scooty, Jancey …
Et, puis il y a ces enfants qui errent dans la cour et les environs de l’hôtel.
C’est la période estivale, ils ne vont pas à l’école, alors, ils s’occupent comme ils peuvent pendant que leurs parents, pour certains d’entre-eux, sont au travail.
Ces trois enfants d’à peine 6 -8 ans, sont pour ainsi dire des sales gosses. Ils crèvent l’écran par la justesse de leurs jeux d’acteurs.
On a envie de les aimer, de les aider, on ne comprend pas comment à 6 ans à peine on peut souffrir d’une telle déficience éducative. Pour quel avenir sont-ils promis? Le tableau est noir…
Ils poussent comme de mauvaises herbes, livrés à eux-mêmes, sans filet de sécurité. Tout est permis, parce qu’il n’y a personne pour veiller sur eux.
Leurs parents déprimés, stressés, occupent des jobs à faible rémunération dans des fast-food, font des petits trafics, n’ont guère d’énergie et de temps de prendre soin d’eux.
Hard times…
La première cause de l’échec scolaire chez les enfants c’est la pauvreté. The Florida Project réussit formidablement a démontré la thèse.
Moonee, Scooty, Jancey passent leur temps à boire des sodas, sucer des glaces, hurler, insulter quiconque oserait remettre en question leurs agissements. Ils crachent sur les voitures des voisins, just for the fun, ils volent les touristes pour pouvoir se payer une friandise.
Ils importunent. C’est leur seul pouvoir, leur seule façon d’exister.
Comme tous les enfants, ils ont l’imagination débordante, ils transforment leurs espaces de jeu bétonnés en grotte enchantée. Ils se construisent un monde irréel, pour éviter de ressentir la dureté de leur vie.
Ce ne sont que de petits enfants, en réalité…
Connus dans le secteur pour leurs mauvais comportements, ils sont interdits de séjour à Disney, un grand drame pour notre héroïne Moonee.
Halley et Moonee
Halley, l’enfant qui a fait un enfant.
Halley est la mère de Moonee, tout juste sortie de l’adolescence, on a d’ailleurs bien du mal mal à lui donner un âge.
Avec son allure de punk, junkie, elle est isolée, elle est souvent enfermée dans sa chambre d’hôtel, et ne sort que pour faire la fête avec le peu “d’amies” qui lui reste ou pour gagner quelques dollars qui lui permettront de régler le loyer sa chambre d’hôtel.
Halley est une enfant abandonnée. Elle méprise les règles, vit en marge de tout. Elle refuse un monde qui fera d’elle une esclave, un monde qui finira par exploiter sa force de travail. Elle préfère, comme les autres enfants, vivre dans un monde bien à elle.
Elle vit au jour le jour, elle ne se projette pas dans l’avenir, elle vit dans l’ici et maintenant. Elle n’a pas de perpective pour sa fille, ni pour elle d’ailleurs, en tout cas, à aucun moment elle ne l’exprime.
Elle se laisse aller. Pourtant, elle aime sa fille, c’est tout ce qui lui reste de cette chienne de vie. Elle a fait de sa fille, une amie, une alliée, on ne sait d’ailleurs pas qui de la fille ou de la mère est l’adulte, la frontière n’est pas évidente. Halley joue volontier à des jeux d’enfants, c’est pour cela que les enfants l’adorent.
Tout ce qu’elle gagne de ses petits trafics, elle le dépense… comme si elle allait mourir demain. Alors, elle amène sa fille Moonee au supermarché pour lui offrir plein de jouets inutiles, des friandises qui lui gâteront certainement les dents ou qui lui feront prendre un tas de kilos. Halley n’a pas l’allure d’une mère. Elle n’arrive déjà pas à s’occuper d’elle, comment peut-elle être responsable d’un enfant ?
Elle est impuissante.
Tantôt d’une extrême gentillesse tantôt cruelle avec ceux qui oserait salir sa dignité, ou menacer sa survie, elle insulte, hurle, tabasse. Halley n’a rien d’une héroïne conventionnelle.
On n’arrive pas à l’aimer, mais tout juste à avoir pitié d’elle. C’est bien là le drame de ce film.
On n’arrive pas à aimer ceux qui ne s’occupent pas de leurs enfants, qui ne se battent pas pour leur assurer une éducation, un avenir digne de ce nom.
En tant que spectateurs, nous assistons à la dégradation de deux vies: celle de Halley et de son enfant. Nous finissons par haïr cette jeune femme, même si nous savons que la vie ne lui a pas fait de cadeau.
Notre indignation et manque de compréhension contraste sévèrement avec l’engagement, la responsabilité, le courage, l’écoute, l’ouverture et l’humanité de Bobby, le concierge du Magic Castle.
Le très célèbre Willem Dafoe incarnant le rôle de Bobby, remet de l’humain dans ce chaos causé par un système ultra libéral ne donnant ni chance, ni protection, ni espoir aux plus fragilisés. Il nous éblouit par sa tendresse. C’est la seule lueur d’espoir qui nous reste tout le long du film, il protège, arrange les uns et les autres en cas d’impayés, surveille et protège les enfants dans l’enceinte de l’hôtel. Il ne juge pas, il agit, il fait du mieux qu’il peut pour rendre la vie de ceux qui n’ont plus rien agréable.
Sa bienveillance ne pourra pourtant pas sauver tout le monde.
The Florida Project est un film à voir absolument parce qu’il n’est pas complaisant. Le jeune réalisateur Sean Baker, démontre notre impuissance à aider les autres par notre manque de compréhension, notre intolérance vis-à-vis des plus fragilisés. Nous ne sommes pas habitués à l’échec, nous ne voulons pas le voir, nous nous érigeons la plupart du temps en donneurs de leçons, sans jamais nous demander: « et si c’était moi Halley? Comment je serais, qu’est-ce que je ferais? »
Allez voir ce film, il est poignant.
Laila Ducher