Pour preuve de la difficulté à saisir toutes les subtilités des enfants surdoués, la terminologie varie d’une époque à l’autre et des institutions à la sphère familiale. Petit tour d’horizon de la douance en France.
Le parcours classique des enfants surdoués
Identifier les enfants précoces
Terminologie et définition d’un enfant surdoué
Actuellement, le terme de « haut potentiel » concurrence celui de précoce et de surdoué. Alors que la précocité ne recouvre qu’un aspect chronologique des aptitudes des enfants concernés, la surdouance désigne plus spécifiquement un taux de réussite supérieur à celui des bons élèves. En clair, on parle d’un élève brillant qui sait déjà tout ou presque avant de venir en classe. Il comprend et apprend plus vite que les autres. De plus, elle·il est créatif·ve, empathique et curieux·se de tout. En revanche, elle·il peut avoir du mal à gérer ses émotions et a une faible estime de soi.
Pourquoi avoir glissé de surdoué à haut potentiel ? Ce dernier terme permet de nuancer la réussite scolaire qui devrait découler des aptitudes de l’enfant. De fait, parler de potentiel indique la possibilité pour l’enfant de dépasser les performance de son groupe d’âge, sans nécessairement y parvenir. C’est la raison pour laquelle il peut être difficile de repérer un enfant à haut potentiel. En effet, il peut se trouver en difficulté sur le plan moteur, affectif, voire même scolaire.
Les signes évocateurs des enfants à haut potentiel
Qu’elle soit turbulente ou excessivement calme et timide, inattentive et apathique ou au contraire vive et motrice dans le groupe… La personnalité des enfants surdoué·es ne se laisse pas emprisonnée dans des cases toutes faites. En fait, les parents remarquent les aptitudes de leurs enfants, sans oser en parler autour d’eux, de peur de paraître arrogants ou trop fiers. En effet, les échanges du style « la mienne compte jusqu’à 100 à 4 ans » « ah bon, le mien s’arrête à 20. » ne forgent pas l’amitié ! Même si nous sommes épatés par les performances de nos petits, nous craignons qu’ils ne se fondent pas dans leur groupe d’âge. Et c’est une réelle source d’angoisse pour les parents.
« Dès l’âge de 2 ans, Moïra connaissait toutes les lettres et commençait à les tracer. Scolarisée en Très Petite Section, elle réalisait les activités des Moyens… Elle était également très colérique et pouvait frapper ceux qui ne comprenaient pas assez vite. » Frédéric, papa de Moïra, 6 ans.
Résultat : nous préférons passer sous silence leurs exploits et nous caler sur ce qui nous semble une norme. D’ailleurs, au sein d’une fratrie, nous évitons les comparaisons réductrices et privilégions la singularité à la supériorité. Ainsi, récemment j’étais assez fâchée contre un médecin qui, sous prétexte d’un langage bien maîtrisé de ma 2 ans y voyait le signe d’aptitudes supérieures. De ce fait, sans le vouloir, il a fait bouillir de rage ma grande de 10 ans. Et prouve ainsi que, des performances jugées à tort ou à raison comme supérieure peuvent induire des réactions conflictuelles, à la maison comme à l’école.
Le dépistage des enfants surdoués par le test de QI
Or, avant même le CP, nous avons déjà repéré les traits de caractère et aptitudes de nos enfants. Nous ne savons pas encore s’ils seront définitifs, mais en discutant entre amis, nous élaborons notre propre échelle de compétences. L’entrée à l’école oblige encore plus à positionner nos enfants par rapport à un niveau attendu.
Ainsi, plus l’enfant grandit, plus il devient flagrant qu’il se distingue des autres dans sa maîtrise des apprentissages. C’est pourquoi, l’enseignant convoque les parents et propose une prise en charge par la·le psychologue de l’Education Nationale (psy EN). Ensuite, l’enfant passe une batterie de tests (le K-ABC et les tests de Wechsler) évaluant ses performances par rapport à un groupe d’âge ainsi que son profil affectif. Lorsque le quotient intellectuel est égal ou supérieur à 130, on parle de surdoué.
Prise en compte des besoins spécifiques des élèves précoces
Une fois le diagnostique posé, il peut être question de sauter une ou plusieurs classes afin de placer l’élève dans un contexte d’apprentissage répondant à ses capacités. Cette décision n’est prise que si l’on est certain que l’élève a la maturité nécessaire pour changer de groupe d’âge. S’il préfère rester avec ses amis, il sera maintenu dans son niveau.
Par ailleurs, les élèves surdoués sont considérés comme des enfants à besoin spécifique dont le parcours scolaire devra être adapté. Et ce au primaire comme au collège. Ainsi, des associations comme l’ANPEIP , agréée par l’Education Nationale, viennent en aide aux parents et professionnels ayant en charge des enfants intellectuellement précoces.
« Je me suis rendue compte que Quentin posait sans cesse des questions sur tout. Il était très turbulent en maternelle. Il a fallu que j’attende la GS pour qu’une enseignante l’oriente vers la psychologue scolaire, fasse des tests et conclut qu’il était surdoué. Depuis, il a sauté son CE1 et s’est apaisé. » (Kim, maman de Nora, 11 ans et Quentin, 7 ans 1/2)
Adaptation des enseignements pour les élèves surdoués
Bien qu’il existe des écoles privées spécialisées dans l’accueil des jeunes surdoués, elles sont souvent hors contrat et affichent des tarifs à plus de 10 000 euros l’année (voir par exemple l’école Gusdorf à Paris) ! C’est pourquoi, la plupart des élèves sont scolarisés dans une école classique. Lorsque l’enfant a été dépisté et est reconnu par l’institution scolaire comme à haut potentiel, il fait l’objet d’un parcours personnalisé. Dans les faits, il s’agira surtout d’envisager un ou plusieurs sauts de classe et de donner des activités supplémentaires sur le temps scolaire.
« Ma fille Nora n’a pas souhaité sauter une classe comme son frère Quentin. Elle voulait conserver ses amis. La maîtresse lui donne du travail supplémentaire en classe. En fait, il s’agit souvent de recherches, de lectures qui permettent de répondre à sa curiosité insatiable. » (Kim, maman de Nora et de Quentin)
Ainsi, une année, j’ai eu deux élèves, un garçon et une fille passés directement de la GS au CE1. Bien qu’ayant sauté le CP et étant de fin d’année, ils étaient pourtant extrêmement à l’aise dans tous les domaines d’apprentissage. Dès qu’ils avaient fini un exercice, ils aimaient venir me parler, dessiner ou lire tranquillement. En revanche, leur adaptation au groupe ne fut pas aisée…
Difficultés rencontrées par les élèves surdoués
La maturité affective des enfants précoces
Intégration en classe et dans la cour
On a coutume de dire que les jeunes à haut potentiel manquent de maturité affective. Qu’est-ce qu’on entend par là ? En fait, chaque enfant étant singulier, il est difficile de répondre uniformément à cette question. Pour certains, il pourra s’agir de jeux inadaptés à une classe d’âge supérieure. Dans ce cas, l’enfant surdoué jouera avec des plus jeunes, et sera jugé comme bébé par les autres. Mais surtout, il aura du mal à affronter ses camarades, à supporter leurs railleries éventuelles. Dans ce cas-là, l’immaturité renvoie à un manque d’aptitude à supporter les vicissitudes de la vie en groupe. Ce n’est bien entendu pas l’enfant qui est en cause. Cependant, son manque d’expérience le fragilise par rapport aux autres.
Pourtant, le cas de mes deux loulous de CE1 m’a montré que ce n’était pas eux qui éprouvaient des difficultés d’adaptation. En effet, ils étaient sociables, joyeux et bons camarades. En revanche, le reste de la classe les dédaignait. Avec un effectif de 30 élèves et de fortes disparités de niveaux, le groupe avait tendance à rejeter ces deux oisillons.
La jalousie des pairs
Ainsi, le garçon aurait voulu s’intégrer dans les jeux de ballon de la cour, mais il se faisait systématiquement rembarré. « Déjà bon en classe, il va pas en plus prendre la balle ! » La petite fille, très discrète et plus timide, semblait surmonter patiemment les journées. Comme ils aimaient tout deux dessiner et lire, ils étaient toujours occupés et ne semblaient pas s’ennuyer. Leur situation était satisfaisante sur le plan intellectuel, mais certainement pas sur le plan moral et affectif…
De fait, lorsqu’on écoute les témoignages des surdoués passés au collège, la tendance au harcèlement augmente.
Les élèves surdoués harcelés au collège
Ainsi, pour beaucoup de jeunes surdoués, le passage au collège s’avère difficile. En effet, le décalage de une à deux années par rapport au groupe d’âge est une épreuve pour de nombreux pré-ados exclus parfois des liens de camaraderie. Il peut se produire une phase d’isolement, voire de dépression. L’Express publie plusieurs témoignages d’adultes qui reviennent sur leurs douloureuses années de collège. Il y a Marie, 36 ans, victime de harcèlement et Alexandra, surdoué Asperger, maman d’un petit garçon surdoué et auteur du blog Les tribulations d’un petit zèbre qui partage son expérience de famille à THQI (à partir de 145). Ainsi, elle relate les mésaventures de son fils Guillaume harcelé à son entrée au collège, face à une équipe enseignante larguée.
Réussites, échecs : que deviennent les HQI ? Quelques témoignages
Pourquoi seulement 1/3 des surdoués réussissent ?
Citation du blog d’Alexandra Reynaud (Les tribulations d’un petit zèbre)
- 1/3 des enfants doués se trouveraient en échec scolaire grave & quitteraient l’école sans aucun diplôme
- 1/3 obtiendraient des résultats plutôt moyens tant bien que mal
- & seulement le dernier 1/3 poursuivraient brillamment des études supérieures, comme l’on pourrait s’y attendre pour des sujets présentant un haut ou très haut potentiel intellectuel
De fait, cette statistique montre que, au-delà du QI, ce qui va davantage aider un jeune dans son parcours d’apprentissage c’est l’estime qu’il a de lui-même. Or, les jeunes surdoués doutent en permanence de leurs capacités. Ils se sentent en décalage par rapport aux autres et à leur environnement. Ils ne comprennent pas d’où vient leur mal être et s’enferment souvent dans un isolement contre-productif pour leur avenir.
La méditation en pleine conscience pour renouer avec soi-même
Selon Jeanne Siaud-Facchin, psychologue et créatrice du concept de zèbre, « c’est en essayant de « se fondre dans la masse à tout prix » et en luttant contre ce qu’ils sont, que les surdoués risquent en effet de se perdre ». Tout se passe comme si le fait d’être surdoué stigmatisait le jeune au lieu de lui faciliter la vie. Ne pas être comme tout le monde est difficile à accepter vis-à-vis des autres et pour soi-même.
Souvent les individus surdoués, jeunes comme adultes, refusent de s’identifier comme tel. Il y a un déni de cette part de leur personnalité qui les conduit fréquemment à bâtir une fausse identité. Afin de lutter contre ce sentiment de décalage, Jeanne Siaud-Facchin préconise la méditation pour accéder à « la pleine conscience » de soi, et s’accepter enfin.
Des parcours professionnels souvent chaotiques
Dans sa série d’articles consacrée aux surdoués, l’Express donnait la parole aux adultes. L’une d’entre elles confiait :
« J’ai décroché et suis devenue une élève très moyenne -ce que ma psy appelle aujourd’hui le nivellement- au point d’avoir mon bac au rattrapage. J’ai été à la fac, puis j’ai arrêté pour enchaîner les petits boulots, ainsi que les dépressions… »
Ainsi, il semblerait que de nombreux surdoués éprouvent le besoin de consulter un thérapeute à l’âge adulte. D’ailleurs, la chaîne youtube Une psy à la maison consacre plusieurs vidéos à la problématique des surdoués. Dans « Quel est le pire métier pour un zèbre ? », Catherine conseille de choisir un métier inventif et non répétitif pour éviter l’ennui. Elle préconise également de fuir les cadres rigides et règles trop strictes, les situations conflictuelles.
En effet, les surdoués sont souvent hypersensibles et pourraient souffrir gravement de situations professionnelles anxiogènes. Selon elle, les métiers d’aide à la personne, créatifs, intellectuels, littéraires et sportifs sont de bonnes pistes à explorer en fonction des goûts de chacun bien sûr.
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Pistes pour accompagner les jeunes surdoués
Oeuvrer en primaire pour préparer le collège
Il apparaît essentiel de dépister au plut tôt les jeunes surdoués. En effet, la simple annonce de la précocité apporte une réponse à des comportements mal interprétés par les parents et les enseignants. Elle soulage la·le jeune, ou l’adulte tardivement diagnostiqué·e , qui peut enfin comprendre son malaise, son sentiment d’incongruité par rapport aux autres. Enfin écouté·e et accompagné·e, elle·il peut gagner en confiance et affronter le monde extérieur.
Lutter contre la mésestime de soi et gérer ses émotions : une nécessité
En effet, le manque de confiance en soi est un trait commun aux surdoués. Ainsi, Kim, la maman de Nora et de Quentin l’a constaté chez ses deux enfants, bien qu’ils aient une personnalité et un profil très différents. Nora doute de ses résultats dès lors qu’une erreur l’éloigne du 20/20, tandis que Quentin s’inquiète en CE2 de ne pas connaître ses tables alors qu’il a sauté le CE1. Au final, il parviendra à les apprendre toutes par cœur en deux semaines. Sans doute, l’hypersensibilité des surdoués les rend d’autant plus perméable à la peur de l’échec, eux qui pourtant apprennent avec facilité.
Par ailleurs, cette hypersensibilité induit une difficulté à gérer ses émotions. Avant d’être pris en charge par une psychologue, le petit Quentin vivait d’intenses colères et angoisses. Désormais, grâce aux rituels préconisés par sa thérapeute, il parvient à s’apaiser pour trouver le sommeil et à mieux supporter ses frustrations.
Trouver des activités riches et épanouissantes
Même si l’école est le lieu où les jeunes passent le plus de temps, les activités pratiquées en dehors du temps scolaire ont un impact non négligeable sur la qualité de vie des enfants, surdoués ou non d’ailleurs. Ainsi, les parents de Nora et de Quentin ont choisi de quitter la région parisienne pour s’installer en Bretagne, près de la mer. Prise au départ pour des raisons de santé, cette décision a permis à toute la famille de profiter d’une offre d’activités de plein air variée et de proximité.
Après l’école, il y a la plage et ses bains de mer et jeux de sable, source inépuisable de découvertes. Et surtout, il y a la voile pour la grande Nora qui la pratiquera dans un cursus spécifique au collège. Ainsi, elle pourra poursuivre son rêve de Route du Rhum ! De son côté, Quentin pratique la natation qui l’aide à canaliser son énergie par la maîtrise des mouvements coordonnés et la respiration synchronisée. Par ailleurs, la sœur et le frère pratiquent l’équitation et le théâtre, deux activités qui les aident à surmonter leurs peurs et à gagner confiance en eux.
En définitive, l’exemple de cette famille bretonne montre que le dépistage de la « surdouance » et l’aménagement du travail en classe sont nécessaires mais ne suffisent pas. Etre parents de jeunes surdoués, c’est écouter, soutenir, encourager, proposer, adapter. Finalement comme tout parent soucieux du bien être affectif de son enfant, et ce, quel que soit son QI !
Merci à Kim et Frédéric pour leurs témoignages