Jeunes comme vieux, tout le monde connaît les super-héros. Pas tous, mais les plus célèbres naviguent entre les lignes et les écrans depuis plus de 80 ans ! Et si c’était maintenant qu’ils prenaient réellement le pouvoir ?
Adulés et jalousés : les super-héros héritiers de l’Antiquité
En fait, si l’on cherche l’origine des super-héros il faut remonter aux premiers temps historiques. L’Antiquité regorge de héros, vénérés pour la plupart. Ils sont à l’origine des civilisations, en tant que fondateurs des cités, comme Athènes ou Rome. Ils unifient les liens entre territoires et habitants en les faisant reposer sur des mythes. Comme Thésée fonde Athènes et Argos la ville éponyme. Plus que la force, réservée aux dieux et demi-dieux, la ruse détermine la qualité principale des héros et héroïnes grecs. Ainsi, Thésée s’attire les bonnes grâces d’Ariane, Ulysse échappe au cyclope comme Personne etc.
D’autre part, ce sont des hommes (et très peu de femmes…) qui dirigent des groupes et savent convaincre par la parole. Leurs talents d’orateur montrent à leurs compagnons leur intelligence, leur vertu et leur détermination. Avec toutes ces caractéristiques, le héros grec constitue la base de départ sur laquelle des capacités hors norme, surhumaines, se greffent pour donner des super-héros. Ruse et force. Intelligence et maîtrise des éléments (eau, feu, électricité, magnétisme…). Mais attention, pas de super-héros sans banalité ambiante, sans des cohortes d’individus cantonnés à leur misérable condition humaine.
Manichéisme et ambivalence des figures héroïques
Etre un super-héros c’est se démarquer de la masse, c’est affirmer sa bienveillance et son empathie. C’est encore juger le bien et le mal. Cette dichotomie rappelle les principes et préceptes religieux. Avec cette injonction forte de faire le bien et d’aider son prochain. Si on reconnaît facilement Superman ou Spider-man dans ce portrait, que pensez de The Punisher ou Deadpool ? De Wolverine ou de Ghost rider ?
Depuis quelques années, des expositions (Art ludique en 2014), des salons et festivals (Festival international des comics à Toulouse) abordent le sujet des super-héros sous une multitude d’angles. Les journalistes s’amusent à décrypter leur psychologie pour tenter de mettre à jour leurs motivations. Allant jusqu’à conclure parfois à une structure psychique névrotique, perverse et bien sûr narcissique ! Avec autant de qualités que de défauts, pas étonnant que les super-héros fascinent et poussent à l’auto-identification…
Figures du bien face au mal, toujours en binômes avec le super-vilain Lex Luthor ou Magneto, les super-héros servent de repère moral dans la foule des sentiments. Mais ce binôme ne cache-t-il pas deux facettes d’un même individu ? Le super-méchant ne serait-il pas une projection de nos mauvaises pensées et le super-héros la meilleure part de nous-mêmes ? Une sorte de moi idéalisé ? Finalement, cette quête de justice et d’humanité, cet interstice de bonté dans un monde violent et machiste ne serait-elle ce à quoi beaucoup de jeunes aspirent ? Changer le monde, changer l’homme et sauver la planète ? Beaucoup de questions philosophiques soulevées par des personnages quasi mythiques. Et renouant ainsi avec nos fameux héros grecs.
Super-héros et ados en marge de la société
D’une certaine manière ados et super-héros ont de nombreux points communs. Ils se sentent à part, en mutation. Plus considérés comme des enfants, mais pas encore des adultes. Au fond d’eux, une force de vie bouillonne, dont ils ne savent pas toujours quoi faire. Ni comment l’utiliser. La tentative du mal pointe de-ci de-là, lors de violents conflits internes. Toute cette fougue, ces désirs confus et mal maîtrisés, les ados les vivent, tout comme les super-héros. Ainsi Superman hésite à se servir des ses pouvoirs. Il souffre de solitude et a du mal à entretenir une relation amoureuse. Que de jeunes d’hier et d’aujourd’hui pour se reconnaître dans cette figure complexe ! Assailli par le doute, vivant des accès de faiblesses et pourtant super-héros patenté depuis 1938 ! Superman reste l’emblème des super-héros.
Par ailleurs, les super-héros ont pour point commun d’être incompris, voire persécutés. Par la société tout d’abord qui les jalouse, les craint et les admire. Mais surtout par un ennemi attitré qui tente vainement de les supprimer définitivement. Autrement dit d’anéantir le rêve de l’humanité de s’en sortir, de pouvoir compter sur une figure bienveillante et protectrice. Un super-héros c’est un peu comme papa, maman doublé d’un super flic et du meilleur toubib de la ville. D’ailleurs de nombreux blogs et sites de parentalité ont repris la terminologie super-parents/papa/maman etc. en clin d’oeil aux exploits des Wonder Women (enfin une femme !), Captain America ou autre Hulk. C’est dire le degré d’identification qui touche parents comme enfants.
L’insolence de l’éternelle jeunesse
Cependant, le succès a des revers, ou du moins de fâcheux corollaires. Dans la série X-men les super-héros sont ostracisés, relégués dans des établissements spécialisés. Sommés de rester tranquilles et de ne pas déranger ou parader avec leurs supers pouvoirs devant le commun des mortels. Ne serait-ce pas nos jeunes que nous gardons sous cloche pour les prémunir naïvement de l’extérieur ? Ne se sentent-ils pas eux aussi brimés dans leur famille, à l’école ? Parfois empêchés de se réaliser ou d’assumer leur « vraie nature »? Et là on retrouve le gamin qui se rêvait pâtissier et qui poursuit une carrière dans la banque.
Nombreux sont les super-héros qui ont vécu des épreuves douloureuses pendant l’enfance. Superman a été envoyé dans une capsule, seul pour échapper à la mort. De même Spider-man est orphelin de père et mère, sauvagement assassinés au cours d’une mission. Tous deux découvrent leurs pouvoirs à l’âge où les corps et les esprits se transforment. Mais pour eux, l’expérience est d’autant plus inouïe qu’elle se double de super-pouvoirs ! Parvenus à l’âge adulte ils stagneront dans la jeunesse éternelle inhérente aux personnages de fiction.
Ainsi, ils incarnent un idéal, ou pourquoi pas les idéaux d’une jeunesse engagée ? L’engouement pour les super-héros est une constante depuis leur création. Mais il semble qu’elle n’ait jamais touché autant de monde qu’aujourd’hui. Tout d’abord, les très jeunes, d’âge préscolaire, connaissent déjà les figures principales, sans jamais avoir vu ni lu aucun Marvel. La profusion de produits dérivés et de dessins animés acculturent les enfants dès l’âge de 3 ans. Ensuite la tranche d’âge 6/10 ans se passionne pour les grandes figures héroïques (Iron man, Captain America). Enfin les pré-ados et ados deviennent experts en Xmen, Avengers puis en super-méchants.
De quoi nourrir l’imaginaire d’une jeunesse turbulente, forte, déterminée et porteuse de valeurs. Car l’évidence est là : plus que jamais, nous avons besoin de super-héros pour relever les défis du monde de demain !