Je ne réussirai jamais… Mais que cache cette croyance que nous n’y arriverons pas ? Cette incapacité à mobiliser nos propres ressources ? Quelles conséquences en découlent pour l’orientation scolaire des jeunes ? Albert Bandura, psychologue canadien et professeur émérite à l’université Standford nous guide grâce à son concept de Sentiment d’Efficacité Personnelle.
Le concept de Sentiment d’Efficacité Personnelle (SEP)
Tout d’abord, notre Sentiment d’Efficacité Personnelle repose sur notre croyance en nos capacités à atteindre un objectif. Il se nourrit de nos expériences, heureuses et malheureuses, et influence nos choix futurs.
En fait, notre SEP découle de quatre facteurs :
- notre expérience : performances antérieures, succès et échecs ;
- la comparaison sociale : notre SEP se renforce ou s’amenuise en fonction des modèles, positifs ou négatifs, auxquels nous nous identifions ;
- les commentaires évaluatifs de notre entourage qui confortent ou réduisent notre croyance en nos capacités ;
- notre état physiologique et émotionnel.
En définitive, c’est une connaissance de soi qui collecte des informations internes et externes et aboutit à une sorte de bilan de ses propres compétences. Ainsi, l’aboutissement du Sentiment d’Efficacité Personnelle débouche sur deux questions primordiales :
- Suis-je capable d’y arriver ? Et si oui,
- quels moyens dois-je mettre en oeuvre pour atteindre mon but ?
Lorsqu’il est fort, le Sentiment d’Efficacité Personnelle implique une dynamique et une prise de décision ambitieuse et réaliste. Mais les freins sont nombreux et plus il est faible, plus les objectifs diminuent. Alors, le champ des possibles peut se réduire à peau de chagrin, indépendamment des capacités réelles. C’est ce qui donne parfois pour soi-même ou les autres une impression de gâchis. En effet, de nombreux facteurs extérieurs influent sur notre croyance en nos propres capacités de réussite.
Le rôle fondamental de l’apprentissage social
Pour Albert Bandura, nous n’apprenons pas seulement en imitant, mais plutôt en observant de façon active. Contrairement à l’imitation, l’apprentissage vicariant ou apprentissage par modelage choisit ses modèles et en extrait des règles. Ces dernières peuvent être modifiées et dépassées. Il en résulte de nouvelles compétences et de nouveaux comportements qui nous définissent dans notre singularité. Pour être opérationnel, ce processus mobilise l’attention, la mémorisation, la reproduction et la motivation. Cette dernière étant fondamentale pour maintenir le processus actif.
Mais, où trouver la motivation de recommencer, de nous relever de nos échecs si ce n’est en observant d’autres affronter leurs difficultés et se dépasser ?
Le monde sportif regorge de modèles inspirants. Mais mon préféré, vécu en direct devant le poste en 1999, c’est celui du tennisman américain André Agassi. Mené deux sets à rien en finale de Roland Garros (quel désespoir !) face à Andreï Medvedev (100ème mondial), il retourne le match et remporte la victoire qu’il attendait depuis 10 ans. Pour la petite histoire, Medvedev avait réalisé un parcours exemplaire lors de ce tournoi grâce aux encouragements…d’André Agassi lui-même. Un fascinant exemple d’apprentissage social réciproque !
Cependant, à l’école, il n’est pas toujours facile de se relever d’une spirale d’échecs si personne ne vient vous dire que c’est possible. Récemment Riad Sattouf faisait la une de l’Obs avec sa prof d’arts plastiques Mme Chapalain. Montrant combien ses encouragements lui avaient été précieux pour affirmer ses choix et devenir le dessinateur de talent qu’on connait. Sur son compte Instagram, pas moins de 255 commentaires relayaient l’influence majeure que les encouragements des enseignants ont sur l’orientation professionnelle. D’ailleurs, Albert Bandura insiste sur l’impact de la persuasion verbale. Ainsi notre auto-évaluation dépend de notre perception du jugement des autres.
Symbolisation et auto-régulation : être maître de sa vie
Prendre en compte l’avis de notre entourage n’implique par nécessairement de s’y conformer. Il peut intervenir comme un variable à considérer parmi d’autres. En analysant nos propres expériences, mais aussi la perception que notre entourage en a, nous accédons à un stade symbolique. Ce détachement nous permet d’améliorer notre expertise et notre auto-évaluation. Alors nous pouvons anticiper nos erreurs en nous projetant dans l’avenir et créer des réponses plus adaptées. Il me semble qu’André Agassi a dû puiser dans ses ressources créatives pour réinventer sa place vis-à-vis de son adversaire. Le modèle de lui-même lui ayant renvoyé la balle et l’ayant fait renaître à son statut premier. Complexe et magnifique !
Dans ce match, on repère un passage à l’action radical, démontrant l’impact du mental sur le comportement. Après plus d’une heure d’échanges, André Agassi passe de l’apathie à la maîtrise totale de son jeu. Illustrant à merveille la théorie de l’agentivité élaborée par Albert Bandura ! Cette théorie désigne la perception de soi comme acteur du monde qui ne subit pas seulement les choses, mais les provoque. Plus le sentiment d’auto efficacité est fort, plus l’agentivité s’exprime pour trouver des solutions.
En un mot, quand on analyse qu’on est capable d’accomplir une tâche, on accepte d’accroitre ses efforts pour y parvenir. Dans le cas contraire, le découragement confine à l’apathie et à l’échec programmé. Donnant raison à ceux qui nous voyaient perdant d’avance…
Accompagner les jeunes vers la réussite
Les jeunes peuvent relever le défi de la réussite et nous pouvons les y aider. Comment ? Par étapes ! Une choix d’avenir ne se franchit pas d’un coup de baguette magique, mais nécessite d’être analysé, segmenté, hiérarchisé pour trouver la meilleure solution. Tout comme on résout un problème de maths par étapes : analyse des données, conversion des mesures, calculs intermédiaires, conclusion. S’assurer de mettre tout en oeuvre pour renforcer le Sentiment d’Efficacité Personnelle maximise les chances de réussite.
Sur le plan scolaire, les difficultés doivent être ciblées, priorisées et des objectifs raisonnables fixés pour enrayer le sentiment d’échec. En tant que parent et enseignant, nous devons veiller à saluer les succès et encourager les progrès.
Mais surtout nous devons inciter nos enfants à prendre en main leurs propres apprentissages. En les poussant à devenir agent de leur vie, on favorise leurs capacités d’analyse et d’auto-régulation. Apprendre à apprendre renforce la motivation et l’engagement et permet de devenir maître de ses choix. Aux jeunes de choisir leurs modèles et de les adapter en fonction de leurs besoins !
C’est pourquoi le concept de Sentiment d’Efficacité Personnelle irrigue l’application Weeprep. Pour que chaque jeune puisse croire en lui et se donner les moyens de sa propre réussite.