Dans le cadre de partenariats européens, certains établissements français, allemands, espagnols et italiens proposent aux jeunes d’obtenir un double bac. Ainsi, les élèves ayant un très bon niveau dans l’une de ces trois langues peuvent postuler pour entrer dans une des 60 sections binationales en France ou à l’étranger. Ils intègrent alors un cursus spécifique à partir de la Seconde ou la Première. Cela leur permet de préparer deux épreuves supplémentaires au bac français pour obtenir l’Abitur allemand, le Bachillerato espagnol ou encore le Esame de Stato italien. Quel profil ces lycéens doivent-ils présenter pour y accéder ? Quelles sont leurs motivations ? Ont-ils déjà des idées pour leur orientation future ? J’ai interrogé plusieurs élèves de Terminale qui mutualisent sur leur compte Instagram leurs fiches et leurs réflexions sur leur scolarité. Merci à tous d’avoir pris ce temps pour répondre à mes questions !
Le recrutement en sections binationales
La coopération européenne au coeur de l’éducation des jeunes
Depuis les années 1970, la coopération franco-allemande inclut un dispositif de rapprochement des deux systèmes éducatifs. Sans refaire un cours d’histoire contemporaine, il est intéressant de rappeler l’importance des relations franco-allemandes au sein de l’Union européenne. C’est pourquoi la primauté d’une coopération en matière d’éducation des jeunes revient au couple France / République fédérale d’Allemagne. L’aventure démarre avec la création des lycées franco-allemands en 1972 qui proposaient un « baccalauréat de l’enseignement franco-allemand ». Mais ce dispositif disparait au profit des sections bilingues en 1987. Celles-ci fonctionnent avec « le jumelage d’un établissement français et d’un établissement allemand et sur la conception commune de projets qui trouvent leur réalisation au cours de contacts réguliers et d’échanges » (site de l’Académie de Paris).
La coopération franco-allemande a ouvert la voie à des accords bi-nationaux avec l’Espagne (2008) et l’Italie (2016).
Modalités d’accès et organisation des sections binationales
Aujourd’hui, les sections binationales accueillent les élèves à partir de la Seconde, parfois en Première. Les compétences langagières correspondent au niveau B1 du CECRL avant l’entrée en classe de première. « L’affectation des élèves est prononcée par l’IA-DASEN, après avoir pris connaissance de la liste ordonnée établie au préalable par le proviseur du lycée d’accueil. » (source Eduscol)
À l’issue du parcours au lycée, le niveau visé est « C1 dans les activités langagières de compréhension de l’oral et de l’écrit et au moins B2 pour les autres compétences » (arrêté du 5 juin 2019 concernant l’Abibac). Concernant le Bachibac et l’Esabac, l’arrêté du 5/06/19 stipule que les bacheliers doivent au moins obtenir le niveau B2.
Cet objectif doit être atteint grâce à deux aménagements des enseignements :
- substitution du cours d’histoire-géographie à un cours spécifique donné dans la langue choisie (3h/semaine en Seconde puis 4h en Première et Terminale),
- enseignement de langue et littérature à la place du cours de langue vivante A (6h/semaine pour l’allemand et 4h pour l’espagnol et l’italien).
Spécificités de la filière STMG pour l’Esabac
Les modalités diffèrent légèrement pour les élèves de la filière technologique STMG qui préparent l’Esabac.
- l’ETLV (enseignement technologique en langue vivante) fait place à un enseignement technologique spécifique de 2h30 en Première et en Terminale,
- un enseignement spécifique de langue, culture et communication de 4h par semaine remplace la langue vivante A.
Par ailleurs, tous les élèves des sections binationales ne sont pas autorisés à choisir la spécialité Langues, littératures, cultures étrangères et régionales dans la langue de leur section binationale. De même, le choix d’une langue régionale ne pourra qu’être optionnel (Langue C).
Sections binationales et projet d’orientation
Tout d’abord, les élèves qui obtiennent un double bac peuvent prétendre à faire leurs études en France ou dans le pays reconnaissant ce diplôme. Ainsi, les détenteurs·trices de l’Abibac, du Bachibac ou de l’Esabac peuvent postuler dans les établissements allemands, espagnols ou italiens. Leurs choix d’études s’en trouvent donc démultipliés, quoique non facilités pour autant. En effet, tous les étudiants sont soumis aux mêmes conditions d’accès. Il faut donc bien se renseigner sur les cursus étrangers et vérifier qu’ils correspondent bien à son niveau et à ses attentes.
Cependant, il n’y a aucune obligation à partir étudier dans un pays partenaire. Ni même à faire des études en lien avec la langue ou la culture étudiées au lycée. Comme le montrent les témoignages que j’ai recueillis à l’occasion de cet article, les parcours des jeunes issus des classes binationales sont variés.
Témoignages de lycéens scolarisés en sections binationales
Pour les besoins de cet article, j’ai sollicité des lycéens qui préparent un double bac et administrent un studygram :
- @law_strasarre qui prépare l’abibac,
- @thomstudy et @studygram_mthld qui préparent le bachibac.
Par ailleurs, sur FB une maman nous a répondu pour sa fille qui prépare l’esabac.
Les motifs d’une scolarisation en sections binationales
La première question que je leur ai posée concernait les motifs qui les avaient poussés à choisir de préparer un double bac. Tous m’ont indiqué avoir de bons résultats au collège et avoir été conseillés par leur enseignant ou leur entourage. Pour @law_strasarre, un échange Brigitte Sauzay avait très tôt impulsé le désir de poursuivre des études plus poussées en allemand.
« Mon motif principal est d’avoir fait un échange Brigitte Sauzay en 4ème. C’est un échange individuel, moi je l’ai fait pendant 2 mois. Être partie m’a fait découvrir le pays et bien évidemment j’ai énormément progressé. J’ai entendu parler de la section abibac à cette période et en rentrant en 3ème j’étais décidée à l’intégrer. Surtout que quand je suis rentrée, j’avais naturellement un très bon niveau, donc je m’ennuyais un peu en cours d’allemand
. Je ne me voyais pas continuer simplement en LV2. Et j’aime bien me lancer des défis donc une classe euro ne me suffisait pas.
»
Pour Thomas, l’expérience de sa soeur ainée a conforté son choix.
« En réalité, c’est en grande partie dû au fait que ma sœur était inscrite dans cette section, et qu’elle m’en avait fait une très bonne description. J’aimais bien les langues, et je voulais être scolarisé dans cet établissement (pour des raisons pratiques donc, et aussi parce que tout s’était très bien passé pour ma sœur). Je me suis dit : “pourquoi pas?” »
@thomstudy
Dans de nombreux cas, ce sont les enseignants de langue qui orientent leurs élèves les plus motivés vers les sections binationales. Comme pour Mathilde qui a décidé d’intégrer une section nouvellement créée.
« Alors moi c’est un peu particulier. C’est tout simplement ma prof principale, qui était aussi ma prof d’espagnol qui m’a conseillé de prendre cette section pour me “forcer” un peu à travailler. Elle savait que je pouvais bien m’en sortir et m’a dit que c’était que du plus pour mon dossier. »
@studygram_mthld
Des critères de sélection axés sur la motivation plutôt que le niveau
Bien sûr le niveau en langue doit être bon, mais il n’est pas nécessaire d’être bilingue pour intégrer une classe binationale. Selon Kareen, maman d’une élève de Terminale préparant l’esabac, « pour les élèves sans difficulté et motivés, cela se passe bien. (…) Ma fille, super motivée est aujourd’hui à 17 ans trilingue (anglais, français, italien). » Selon Mathilde, « il n’y a pas besoin d’être particulièrement bon ou d’avoir un projet en rapport avec l’Espagne. Je pense que la chose la plus importante c’est d’aimer la langue et d’avoir soif d’apprendre et de découvrir plus sur la culture hispanique. »
« Je pense qu’il faut avant tout être motivé, et ne pas choisir cette section “par défaut”. Il faut aussi être rigoureux, et peut-être se sentir prêt à travailler davantage que durant un cursus classique. C’est clair qu’il faut porter un attrait pour les langues, avoir un certain niveau. Il faut aussi être sérieux. »
@thomstudy
Un surcroit de travail à ne pas négliger
Toutefois, il faut bien prendre en considération le surcroit de travail. Comme l’explique Kareen, « Question rythme, oui c’est assez dense car ça se rajoute au programme « normal » et en Terminale il y a un double bac à passer. » De même, @law_strasarre insiste sur la quantité de travail supplémentaire : il faut « être sûr que l’on est prêt à avoir 10h de cours en allemand par semaine (allemand + histoire géo). »
Mais, si le démarrage peut être rude en seconde, tout rentre généralement dans l’ordre après quelques semaines. Ainsi @law_strasarre raconte que « le début de seconde a été un peu compliqué le temps de s’adapter au cours d’allemand totalement en allemand et à l’histoire-géo, car il y avait beaucoup de vocabulaire spécifique. »
De son côté, Mathilde confie avoir eu beaucoup d’appréhension quant à son niveau d’espagnol.
« En gros j’avais vraiment peur d’avoir le niveau le plus bas de ma classe. Finalement, cela n’a pas du tout été le cas … loin de là. »
studygram_mthld
D’une manière générale, les enseignants en charge des cours de langue et d’histoire-géo sont bienveillants comme le relève Thomas.
« Au début, c’est surprenant, parce que c’est nouveau. On n’a pas forcément l’habitude d’entendre nos cours d’histoire-géo en espagnol, et de parler un peu (beaucoup) plus la langue que d’habitude. Mais heureusement pour moi, les professeurs étaient très bienveillants et ont veillé à ce que la transition ne soit pas trop compliquée. »
@thomstudy
Les sections binationales : une expérience largement positive
Tous les élèves interrogés déclarent être largement satisfaits de leur scolarité en sections binationales. On retrouve les raisons suivantes :
- l’obtention d’un très bon niveau de langue qui ouvre vers des études à l’étranger,
- la multiplicité des expériences et des rencontres lors des échanges,
- une ouverture culturelle riche,
- un suivi pédagogique de qualité.
Ainsi, Kareen relève que les élèves « n’apprennent pas que la langue, mais aussi l’histoire du pays, la culture, la littérature, l’art et en Italie l’art… c’est important ! »
« On a un même groupe pendant 3 ans même si on est divisés dans 2 classes de terminale donc ça permet d’être assez soudés et de s’entraider, d’avoir des délires communs. J’ai aussi eu les mêmes profs pendant 3 ans donc quand on a un problème c’est plus pratique. »
« Les professeurs étaient très à l’écoute, on les connait et ils nous connaissent très bien au bout de 3 ans. (…) L’ambiance est chouette, on travaille dans des classes très sérieuses. »
@thomstudy
Pour Mathilde, la classe binationale était aussi l’occasion de sortir des programmes habituels.
« Pour moi il n’y a vraiment que du positif ! Par exemple, rien que l’histoire-géo, depuis la primaire on revoit les mêmes choses. Donc en l’étudiant en espagnol c’est mieux, c’est moins redondant. »
@studygram_mthld
Double bac et projets d’orientation
L’obtention d’un double bac ouvre droit à postuler aux études supérieures dans les deux pays. Cependant nombreux sont les lycéens qui font d’autres choix. Ainsi Thomas et Mathilde s’orientent plutôt vers des études scientifiques : « type classe prépa ou fac de médecine » pour le premier, « les maths, la santé, la physique-chimie » pour la seconde. De son côté @law_strasarre a postulé pour plusieurs Sciences po avec une spécialisation Europe ainsi que des doubles diplômes franco-allemands. Seule la future bachelière esabac a émis un choix vers une grande école de Milan. Mais elle postulera également en France.
Cependant Thomas déclare :
« Je n’exclus pas la possibilité d’aller étudier une ou plusieurs années dans un pays hispanophone (comme le Mexique). J’ai une amie, camarade de bachibac, qui va poursuivre l’an prochain ses études pour devenir kiné en Espagne ! Alors, comme vous voyez, ça nous laisse des possibilités ! »
@thomstudy
Les conseils des lycéens abibac et bachibac !
« Foncez ! Si vous avez cette motivation et que vous aimez les langues, il n’y a pas à hésiter ! Et surtout, ne stressez pas… La plupart du temps, le personnel éducatif est très à l’écoute et le niveau de langue dans les classes peut être très variable. Si vous faites de votre mieux et avec beaucoup de volonté, vous aurez tout pour réussir. Même si parfois, on n’est pas toujours motivé, il faut toujours se rappeler qu’on en est capable et que si on est là, c’est pour une bonne raison. (…) Chaque cas est différent, mais toute personne qui montre un réel attrait pour l’espagnol est capable de s’en sortir plus que bien. »
@thomstudy
« La motivation surtout, aimer l’allemand c’est sûr et avoir quand même de bonnes bases avant d’entrer. Trouver un binôme ou un groupe de potes pour réviser et comparer au début les cours d’histoire car il risque de vous manquer des mots ou des phrases au début. Et puis après, tout simplement pour réviser. »
« Mon conseil est en rapport avec mon appréhension : ne paniquez pas et ne vous faites pas trop de films ! Même si votre niveau d’espagnol n’est pas excellent, si vous voulez progressez, vous progresserez. En rentrant dans la section vous rentrez dans un groupe qui veut apprendre et qui est passionné par la langue. Donc en quelques mois vous aurez acquis beaucoup de vocabulaire et de connaissances
»
@studygram_mthld
Un très très grand merci aux élèves de Terminale et à Kareen qui ont partagé leur expérience pour Weeprep. Vous pouvez retrouver tous leurs conseils et leur poser directement vos questions via leurs comptes Instagram.