La semaine dernière, il était question de littérature young adult sur le blog. Comme je vous l’annonçais, voici ma sélection de romans pour ados et jeunes adultes. Pour effectuer cette sélection j’ai procédé en trois temps. Tout d’abord, j’ai interrogé ma libraire préférée qui anime un club de lecture pour les ados du quartier. Ce qui comptait pour moi c’était avant tout d’avoir l’avis des lecteurs·trices. Ensuite, j’ai été faire un petit tour sur les comptes Instagram tenus par de jeunes passionné·e·s pour confirmer les tendances. Enfin, depuis un an, je lis régulièrement des romans pour les 13+ pour me faire ma propre idée. Au final, j’en ai choisi onze, tous magnifiques et différents. J’espère qu’ils vous plairont aussi.
Des romans qui dévoilent un quotidien peu ordinaire
Les petites reines de Clémentine Beauvais : place à la bonne humeur !
Pour commencer, j’ai déjà cité plusieurs fois ce roman lors de précédents articles, mais c’est parce qu’il est formidable (voir l’article sur le harcèlement scolaire) ! Drôle, enjoué, décalé, criant de vérité tout en étant parfaitement farfelu, ce livre ravit de nombreux lecteurs·trices. Mireille et ses camarades élues boudins de l’année se lancent dans un improbable périple de Bourg en Bresse à Paris pour « gate crasher » la garden party de l’Elysée. Pourquoi, comment, je vous laisse le découvrir. Mireille a la langue bien pendue et la répartie acérée, mais elle est surtout un pied de nez aux clichés. Un des romans les plus drôles et superbement bien écrits que j’ai pu lire récemment. D’ailleurs, paru en 2015, il cartonne toujours autant en librairie.
Sauveur et fils de Marie-Aude Murail : romans en série
Ensuite, je vous propose une série, toujours en cours, de Marie-Aude Murail dont la réputation n’est plus à faire. Écrivaine véritable magicienne des mots, elle sait absolument tout écrire : pour tous les âges, toutes les envies et tous les styles. Elle manie la langue française avec une telle facilité apparente que sa lecture semble une évidence : aucun mot ou phrase superflu, aucune complaisance, des personnages d’un réalisme déroutant, des intrigues comme on en vit en famille, entre ami·e·s, à l’école ou au bureau. En fait, j’avoue que la série Sauveur et fils m’a très fortement emballée ! Dans son cabinet de psychologue, Sauveur Saint-Yves reçoit principalement des jeunes, mais aussi quelques adultes. Tous ont besoin de son aide pour affronter leurs problèmes et tenter de se débrouiller avec.
Ce qui est génial avec ce roman c’est que le procédé analytique permet à l’autrice de donner la voix à chaque personnage. Les dialogues sont ultra réalistes et chacun s’exprime avec ses manies, ses tics de langage, sa façon à lui ou à elle d’être. De plus, même si le personnage central est le psy, il n’est pas le narrateur. Il n’écrase donc pas le·la lecteur·trice sous son savoir ou sa sagesse. Sauveur doit affronter lui aussi ses propres faiblesses et doutes. Voilà donc un personnage adulte qui montre l’ambivalence de la condition humaine, concept que l’on découvre typiquement au cours d’une psychothérapie.
L’aube sera grandiose d’Anne-Laure Bondoux
Salué par la critique et multi primé pour ce tête à tête mère fille, ce roman d’Anne-Laure Bondoux a conquis un large lectorat. Il a gagné sa réputation grâce à sa grande qualité littéraire et son récit haletant condensé en 24h. La promesse de révélations fonctionne à merveille pour captiver les lecteurs·trices. Nine, 16 ans, doit suivre sa mère pour rejoindre une cabane perdue dans la forêt. Quelle histoire cache ce lieu ? Pourquoi sa mère l’a-t-elle forcée à venir ici ? L’autrice conduit ses personnages dans cette habitation reculée pour y vivre une nuit de parole, afin d’évoquer le passé et affronter le présent.
Par ailleurs, ce huis-clos intimiste et survolté n’épargne rien des difficultés de la vie. En découvrant le passé de sa mère, Nine découvre aussi tout un pan d’elle-même refoulé. Avec une écriture précise, au cordeau, l’autrice ne cède rien aux sentiments faciles et montre toute la complexité d’une histoire familiale jusque-là cachée. Mais à quel âge est-on disposé·e à entendre la vérité sur ses parents et sur soi ? Grâce à cette « rencontre » singulière, la mère et la fille engagent un dialogue fondamental qui renforce leur lien de confiance mutuel.
Be safe de Xavier Laurent Petit
J’ai lu ce roman l’été dernier sans m’attendre à quoi que ce soit de particulier. La couverture guerrière ne m’inspirait pas forcément beaucoup. Et pourtant, voici ce que j’en ai pensé une fois la dernière page tournée (je reprends mes notes) : « un roman limpide où tout est suggéré pour éveiller les consciences. Une écriture simple, évidente, où chaque personnage prend corps avec son langage, ses passions improbables, ses secrets inavouables et surtout sa rage de vivre. Oui, il est question des forces spéciales et de la guerre en Irak, mais différemment des images habituelles. Vécue de l’intérieur, au sein d’une famille apparemment banale, l’expérience se veut tout aussi bien documentaire, sociale, psychologique ET littéraire. Un TRÈS grand roman justement primé après sa sortie en 2007. »
La grande force de ce roman se mesure à l’impression durable qu’il provoque. Longtemps on reste marqué par ce lien sincère, puissant et salvateur qui unit les deux frères à travers le temps et les frontières. Il y a une histoire de guerre bien sûr, d’intérêts militaires et de vies broyées. Mais c’est surtout un roman sur le dialogue, la force de la parole dite ou écrite. Une parole pour témoigner de ses actes et de ses pensées, une transmission intime et fondamentale pour poursuivre sa vie.
Quatre filles et quatre garçons de Florence Hinckel : un roman chorale
Impossible de résumer ce roman tant il foisonne de tout et des petits riens de la vie de quatre adolescents de 15 ans. Relevant le défi de tenir le journal de leur année de Troisième, quatre filles et quatre garçons liés par l’amitié se relaient pour raconter leur quotidien. Au final, ce sont huit chapitres portant le prénom de leur auteur ou autrice qui forment ce roman chorale. Chaque personnage témoigne pour laisser une trace, sa trace, et s’exprime à sa façon : par écrit, par enregistrements audio ou vidéo (retranscrits !). Sans avoir le souci de l’unité, ils oeuvrent néanmoins collectivement pour construire un récit.
Florence Hinckel nous livre le portrait d’une bande d’ados riche de leur diversité. Leurs expériences, leurs questionnements, du haut de leurs 15 ans, les montrent avec leurs qualités et leurs faiblesses. Finalement, leurs préoccupations se rejoignent, sous des formes différentes, des aspirations communes malgré des milieux sociaux opposés et des histoires personnelles et familiales contrastées.
La fourmi rouge d’Emilie Chazerand : le choix d’Emma
Récemment, j’avais interrogé Emma sur sa vie et sur sa façon d’appréhender son avenir. Je luis avais aussi demandé quels livres elles avaient lus dernièrement. Grande fan de mangas et de BD, elle apprécie également les romans légers, drôles ou d’aventures. Elle venait justement de terminer La fourmi rouge d’Emilie Chazerand. Ce qui est doublement l’occasion de recommander ce roman facétieux et jubilatoire !
Vania Streudel n’aime pas son prénom. Normal, c’est la seule chose que sa mère lui a laissé quand elle a quitté le domicile familial. Elevée par son père taxidermiste, elle pense qu’elle ne peut pas avoir moins de chance dans l’existence. Mais le tableau s’alourdit à mesure que les coups de crasse de sa harceleuse mine son quotidien. Est-ce que c’est sa faute à elle si elles étaient amoureuses du même garçon au primaire ? Pour toute réponse à son désarroi, Vania se morfond dans l’inactivité. Elle pense qu’elle sera nulle toute sa vie et que rien ne changera.
Ce qui lui donne le courage de continuer c’est Abraham Horowitz, le vieux monsieur dont elle a la garde. Pensant qu’il est sourd et muet, elle ose se confier à lui. Un jour, elle reçoit un mail anonyme qui l’encourage à profiter de la vie et à se prendre en main. Ce roman drôle et original joue sur la légèreté et la sincérité de ton. Vania est une jeune fille un peu paumée qui se découvre et prend confiance en elle malgré l’adversité.
L’aventure, le thriller pour des romans palpitants
Nous sommes l’étincelle de Vincent Villeminot : inquiétante et envoûtante forêt
Et si tout à coup une partie de la jeunesse décidait de faire sécession pour vivre une utopie ? Partir en forêt et vivre en petits villages autonomes, avec ses ami·e·s, ses amours. Comment le reste de la société va-t-il réagir, s’organiser, s’adapter ? Quelques années plus tard, Dan, Montana et Judith enfants nés des premiers campeurs sont enlevés par des braconniers. Par un va-et-vient entre passé et présent, la narration met à l’épreuve l’avenir d’une utopie humaniste et écologiste. Un roman d’aventure complexe dont les personnages montrent différents stades et aspects d’une même pensée. La sauvagerie affleure par vagues, affirmant ou infirmant les idéologies des précurseurs ou des détracteurs.
Ce roman se veut à l’opposé du manichéisme et du prêt à penser car il permet justement d’observer tous les points de vue. Par ailleurs, le personnage qui me reste au coeur est celui de La Houle, jeune homme aux abords agressifs, mais finalement tellement protecteur, humble, généreux. Du genre de ceux qu’on voudrait avoir pour ami. Une magnifique lecture destinée aux 16+, qui convainc également de nombreux adultes grâce à son écriture puissante, rythmée et chatoyante. Bref, une très belle plume au service d’une histoire grouillante de vie, de bruissements et de fureur. À l’image de la forêt rendue à la nature.
Dix de Marine Carteron : un des meilleurs romans noirs
Grosse claque que ce Dix de Marine Carteron. J’y suis venue en me disant que ce serait intéressant de lire une réécriture de Dix petits nègres d’Agatha Christie. Puis, finalement, non, ce n’est pour ça que j’ai adoré ce thriller. Dès les premières pages, on sent que l’autrice ne reculera devant rien pour nous faire trembler. Que dis-je « trembler » est un bien faible mot, vous aurez du mal à étouffer un cri de terreur.
Scènes d’horreur ultra maîtrisées, personnages odieux à souhait, la grande liberté de ton et l’écriture parfaite de chaque scène de crime sont totalement éblouissants. La scène de la douche reste pour moi LE passage inoubliable où je me suis dis « oh, non, ça n’est pas possible ! » Ce dernier mot-là n’a pas de sens pour Marine Carteron qui semble écrire justement pour que tout soit possible. En commençant par montrer la laideur, la cruauté de ses personnages. Dix est un roman glaçant frisant la perfection dans sa structure et dans sa forme. À ranger parmi les grands polars, sans barrière d’âge !
Le combat d’hiver de Jean-Claude Mourlevat : gladiateurs et résistants pour la liberté
De Jean-Claude Mourlevat je connaissais bien L’enfant océan un classique étudiée entre le CM1 et la 6ème. Mais je ne savais pas qu’il écrivait surtout pour les ados. Ma libraire et une amie bibliothécaire m’ont recommandé nombre de ses romans de qualité et j’ai opté pour le Combat d’hiver. Rien que par le titre je repense à Vincent Villeminot qui évoquait la jeunesse comme âge des premières fois et des combats qui les accompagnent.
Littéralement dans cette histoire, il s’agit d’un combat armé pour la liberté, contre l’oppression imposée par la Phalange. Dans un monde devenu totalitaire où les enfants de rebelles sont séquestrés et les habitants contrôlés par des maîtres chiens, deux garçons et deux filles réussissent à s’échapper. À l’extérieur, pour eux tout est nouveau, hostile et prometteur. Séparés et devant lutter pour survivre, ils découvrent la vérité sur le monde d’avant renversé par une dictature. Petit à petit la résistance s’organise et l’espoir renaît. La fin est magnifique et bouleversante. Ce roman fort, mêle lutte pour la liberté et réflexion sur l’engagement et l’action. De plus, certains aspects fantastiques – il y a des hommes-chiens et des hommes-loups – poussent à s’interroger sur ce qui définit un humain. Ce roman laisse cette question philosophique en suspens.
Méto d’Yves Grevet : une dystopie de haute volée
Méto, un jeune garçon d’âge incertain, vit reclus avec ses camarades dans la Maison, une tour encastrée sur une île volcanique. Il doit suivre une règle de vie très stricte encadrée par des hommes tous prénommés César. La moindre erreur fait l’objet d’une mesure disciplinaire souvent extrême. Par exemple, deux petits qui s’étaient battus sont enfermés dans une chambre froide pendant 24h. En fonction de l’âge des pensionnaires, chaque garçon dispose d’une ceinture de couleur : bleu clair, bleu foncé, violet et rouge pour les plus âgés. Méto fait partie de cette dernière catégorie. Tous ceux qui portent la ceinture rouge savent que bientôt leur lit va craquer et qu’ils vont disparaitre.
Pourquoi, où, comment ? Le mystère plane tout le long de ce premier volume d’une série de trois. Malgré cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête, Méto demeure impassibe, presque confiant. Il sait comment se comporter pour éviter les sanctions. Cependant, son tour arrive de prendre en charge un nouvel arrivant. Là encore des règles autoritaires et rudes s’appliquent. En cas d’erreur du petit, c’est Méto qui sera puni.
Captivant dès les premières pages, ce roman d’aventure tendance dystopie, remporte un franc succès en librairie. Pour couper court aux critiques qui le recommandent aux garçons (parce qu’il n’y a que des garçons), sachez que la jeune Emma, un brin féministe, a immédiatement accroché à la lecture de ce roman. Pas besoin d’être un garçon pour s’attacher aux personnages qui souffrent et luttent pour leur survie. Un roman haletant, vif et incisif qui marque par son ambiance étrange et ses passages révoltants.
La série U4 : romans à quatre têtes
Vous avez aimé les romans de Florence Hinckel, Vincent Villeminot, Yves Grevet ou encore Carole Trébor (que je citais pour Combien de pas jusqu’à la lune dans mon précédent article sur Le féminisme dans la culture jeune ?) Alors vous aurez peut-être envie de découvrir les romans U4.
Le virus U4 décime toute l’humanité, hormis les jeunes de 15-18 ans, quelques militaires et adultes. Si Yanis, Stéphane, Koridwen et Jules parviennent au point de rendez-vous à Paris peut-être arriveront-ils à sauver l’humanité. Mais le chemin est long et dangereux pour rallier la capitale. Chaque auteur·trice traite l’intrigue du point de vue de son personnage, avec sa propre écriture, mais dans un souci d’oeuvre collective. Cet ovni littéraire a déjà convaincu de nombreux·ses lecteurs·trices et vient de sortir en poche. C’est l’occasion de lire les quatre volumes et de comparer les différentes versions d’une même histoire.
Alors, tenté·e·s par un, deux, trois…romans ? Si vous cherchez d’autres conseils de lecture pour les enfants de 0 à 18 ans, vous pouvez consulter mes sélections sur le site Parents Ecole Mode d’Emploi. Bonne lecture à toutes et tous !