Il y a quelques semaines j’ai planifié un rendez-vous à l’école avec l’enseignante de ma fille de 7 ans, qui est en CE1.
Je n’avais pas rencontré l’enseignante à la réunion d’information de la rentrée puisque que l’enseignante initiale a été remplacée suite à un congé maternité. J’ai tout naturellement voulu rencontrer la nouvelle pour mieux la connaître et échanger sur son approche pédagogique, ses objectifs et aussi sur ma fille.
Favoriser les rencontres entre parents et enseignants à l’ école
Ma fille n’a aucune difficulté scolaire, mais j’avais besoin de faire un point sur cette fin de premier trimestre. Nos enfants passent beaucoup de temps à l’école, il me semble naturel d’aller à la rencontre des enseignants aussi régulièrement que possible pour comprendre leur travail, et faire un point sur l’évolution des nos enfants.
L’enseignante n’a pas hésité à me recevoir et m’a donnée un rendez-vous assez rapidement, ce que j’ai trouvé très agréable. Pourtant cette dernière n’a pas manqué de me faire la remarque suivante au moment même où elle m’a saluée à mon arrivée:
- Vous savez, il ne faut pas être stressée, votre enfant n’a pas de difficulté scolaire, j’ai beaucoup de mal à comprendre votre venue, et ce rendez-vous quelque peu précipité, vous auriez peut-être pu attendre davantage, à la fin du premier semestre en février…
Voici ce que je lui ai répondu:
- Vous savez, moi, j’apprends à être parent, je n’ai qu’un seul enfant, et je ne regarde pas ce que font les autres parents et ou ce que pensent les enseignants de ce qui doit se faire en terme d’éducation, j’avance avec mes intuitions de parent novice et mes peurs, parce que j’en ai, j’en aurai jusqu’à ce que mon enfant acquière une autonomie totale, je crois que j’essaie de faire du mieux que je peux, pour l’intérêt de mon enfant. Je ne suis ni hystérique, ni intrusive, j’essaie d’accompagner ma fille dans sa croissance, et ses apprentissages. J’avais besoin de vous rencontrer pour vous connaître et savoir si ma fille est heureuse et épanouie à l’école, ni plus ni moins. Je sais qu’elle peut être solitaire, et qu’elle se fait rejetée par pas mal d’enfants, et ceci est source de souffrance pour elle, et j’aimerais comprendre comment elle interagit avec ses camarades.
Pour rappel, il y a des écoles élémentaires publiques en France qui n’invitent pas systématiquement les parents à la fin de chaque période pour faire un point avec eux. L’initiative revient aux parents qui souhaitent aller à la rencontre des enseignants. Je trouve cela, absolument anormal.
Egalité, fraternité, vous vous en souvenez encore ?
Aujourd’hui tout est fait pour que les parents n’appellent pas l’école, et ne prennent pas de rendez-vous avec les enseignants. Le ministère de l’Éducation Nationale a d’ailleurs créé une application mobile à destination des parents pour les connecter davantage à l’école… Comme si c’était uniquement la faute des parents.
Un nouvel outil de communication entre les parents et l’école
Il n’y aucun espace de mise en relation, ni réseau social permettant d’avoir un lien avec d’autres parents d’élèves, ni les enseignants. Cette application est à mon sens inutile, puisque les informations qui y figurent, les parents y ont déjà accès dans le cahier de correspondance de leurs enfants. À quoi sert le numérique s’il ne connecte pas les gens entre eux ?
L’école est fermée aux parents
Je ne venais pas pour des difficultés scolaires, je venais pour comprendre l’efficacité personnelle* de ma fille. Je voulais savoir si ma fille sait demander de l’aide quand elle ne comprend pas, si elle sait apprendre à apprendre, faire preuve d’autonomie, d’initiative, s’engager, s’auto-réguler (ne pas se faire influencer par autrui en permanence), si elle est exigeante avec elle-même, si elle est en capacité de nouer des liens avec les autres, si elle arrive à s’affirmer en exprimant ses idées, ses opinions.
Toutes ces aptitudes sont ce que l’on appelle des compétences non cognitives, elles sont essentielles à la construction identitaire de l’enfant. Si ses compétences sont maîtrisées, cela démontre que l’enfant est bien dans sa peau, qu’il a une bonne estime de soi, et qu’il est motivé, qu’il a des envies.
Ces compétences sont difficiles à évaluer, car en fonction des environnements, l’enfant sera plus ou moins habile ici et là. Donc développer et évaluer ces compétences chez nos enfants de façon attentive aussi souvent que possible semble aujourd’hui plus que nécessaire pour les aider à se construire et s’ancrer d’un point de vue identitaire.
D’autre part, développer un sentiment d’efficacité personnelle, dépend du regard que pose autrui sur nous. Si les enseignants ou les parents sont dans le jugement, la course à la performance, ils stressent les enfants, et je peux vous assurer que cela va freiner leurs vraies vocations, et broyer leur êtreté, en somme, la réalité de ce qu’ils sont.
Choisir l’ouverture, la bienveillance et le droit à l’erreur, la sécurité, est sans aucun doute la meilleure façon de faire réussir les enfants.
Ces compétences non-cognitives sont à mon sens essentielles aux développement de nos enfants et sont prédictives de leurs réussites personnelles et professionnelles. Si l’on ne s’intéresse qu’aux résultats scolaires de nos enfants, on ne s’intéressent pas vraiment à ce qu’ils sont intrinsèquement car nous empêchons leur envol, leur autonomie. Nous rencontrerons, en tant que parents ou enseignants quelques difficultés à les accompagner tout le long de leur parcours.
Si l’école était plus ouverte aux parents, je reste persuadée que nous pourrions aller plus loin ensemble. Ainsi, l’enfant serait davantage acteur de son avenir.

Pourquoi attendre que nos enfants soient en difficulté scolaire pour se précipiter vers les enseignants ? Pourquoi toujours aborder l’accompagnement des trajectoires scolaires sous cet angle-là ? L’école est un lieu de socialisation, de rencontre avec les savoirs, pour cela les familles devraient y être régulièrement invitées, et reconnues comme étant compétentes et détentrices de solutions.
En attendant que les choses bougent à l’école, écoutez, observer vos enfants, comprenez leur choix, laissez leur un espace de liberté, sécurisez-les, laissez-les se tromper, et faites leurs des feedbacks réguliers bienveillants mais sincères, posez leur des questions, mettez-les en action pour qu’ils développent leur efficacité personnelle tous les jours, et surtout, faites-leur confiance !
A bientôt,
Cet article est remarquable. Ayant une double ou triple casquette (maman, psychopédagogue et enseignante), il est difficile de trouver la bonne position. Je crois cependant comme toi qu’il est temps que nous travaillions tous main dans la main pour la construction de nos enfants.