Grand succès des années 80, Retour vers le futur de Robert Zemeckis est un divertissement agréable, sympathique et…philosophique ! En montrant différents devenirs des personnages, adolescents comme adultes, ce film est une métaphore de la vie et de ses fantasmes. Tout comme dans la série Un livre dont vous êtes le héros, Marty Mac Fly est confronté a des décisions qui auront une incidence sur son futur. Les jeunes d’aujourd’hui se trouvent dans la même position face à leur avenir professionnel. Et sont confrontés à l’épreuve du choix d’un métier.
Orientation scolaire : le duel entre libre arbitre et destin
Depuis l’Antiquité, les Moires tissent, déroulent et coupent le fil de la vie, sans qu’aucun dieu ni humain ne puisse s’extraire de sa destinée. Par analogie, certains jeunes ont parfois le sentiment que les adultes agissent de la même façon avec eux.
Les Moires dans Le livre des échecs amoureux d’Évrart De Conty (1400)
Quand les filières se restreignent, que les choix s’amenuisent et que leur désir n’est plus pris en compte. Alors, les ados ne sont plus maîtres de leur destinée. Tout se passe comme si l’école tirait les ficelles d’une marionnette. En préjugeant du destin des adolescents, les institutions éducatives dirigent les jeunes vers des futurs qui ne leur correspondent pas et influencent leur vie d’adulte en devenir.
Mais nous sommes là, nous parents et éducateurs, pour leur rappeler que « non, les dés ne sont pas jetés ». Et qu’il ne tient qu’à eux, qu’à nous, de s’en saisir à nouveau. En rebrassant, en reconsidérant les talents et les aspirations, le futur s’avère multiple et protéiforme.
Ainsi, dans Retour vers le futur, la scène de rencontre des parents est rejouée trois fois, avant que ce ne soit la « bonne ». Et elle est la « bonne » uniquement parce que le protagoniste principal a atteint un certain niveau de connaissance de soi. Tout comme dans la vraie vie, sa construction identitaire s’est nourrie du contexte historique, familial et au regard de ses aptitudes et compétences.
Soi réel et soi fantasmé
« Connais-toi toi-même » avait choisi pour devise Socrate au frontispice du Temple de Delphes. D’accord, mais comment on fait à 16 ou 20 ans pour « déjà » se connaître ? Pas de panique, tout le monde en est capable ! Ainsi, le site lapausephilo précise que cette maxime est une incitation à user de la raison, c’est-à-dire de sa réflexion.
« Sache qu’il y a en toi un principe d’excellence qui doit guider tes actions : la raison. » (citation Socrate)
Ainsi Marty, qui jusqu’à la fin de la trilogie, prend de mauvaises décisions à chaque fois que Bif le traite de « mauviette », reconsidère sa stratégie. En effet, il réalise qu’il éprouve le besoin de ne pas se laisser marcher sur les pieds à cause de la faiblesse de son père. Quand nous prenons conscience que certains mécanismes entravent notre réussite, nous pouvons les remettre en cause et décider de changer.
C’est pourquoi, la réflexion, en tant que reflet de soi-même, permet de réduire l’écart entre le soi réel et le soi fantasmé. Lorsqu’un jeune imagine son futur, nous pouvons l’aider à se projeter en lui tendant notre regard de parent, nos regards d’adultes comme miroir. Dans Retour vers le futur, c’est Doc, figure paternelle et rassurante, qui favorise la prise de conscience de Marty. Dépassant l’échec et l’humiliation subie par son père, Marty comprend qu’il vaut mieux ignorer le stupide Bif et poursuivre son chemin.
La tentation de la pythie : quel futur ?
En outre, de la pythie grecque (encore !) à l’art divinatoire, l’humanité nourrit le fantasme de connaître son futur. Sujet tabou, dangereux, qui, si révélé est capable de « briser le continuum espace temps », dirait Doc. Le futur nourrit toutes les craintes et tous les désirs.
Mais le futur est surtout et avant tout une promesse, un chemin vers d’autres possibles. Pris dans un système éducatif, un ado n’a pas toujours conscience des possibilités qui s’offrent à lui. Il se limite au champ du connu, alors qu’il aurait besoin d’un voyage vers d’autres horizons. De ce fait, multiplier les expériences, les rencontres, développer ses compétences relationnelles, deviennent autant d’atouts pour son futur.
Se projeter et choisir
Par ailleurs, ce que nous dit un film comme Retour vers le futur, c’est la possibilité sans cesse renouvelée d’essayer. Mais aussi de moduler, d’expérimenter, tout au long de sa vie. Il ne s’agit pas de repartir de zéro à chaque fois. Bien au contraire, le futur se bâtit pierre par pierre, grâce aux essais et erreurs, fondement de la méthode de résolution de problème « guess and check ». Ainsi, seulement 36% des étudiants inscrits en licence obtiennent leur diplôme en 3 ans. Cependant, ils sont 62% à le décrocher en 6 ans, preuve d’un changement de parcours.
Je crois que chacun d’entre nous peut s’identifier à Marty Mac Fly. Ses allers et retours dans le passé et le futur ont donné au fils la sagesse d’un père. Et le maître mot qui sauve la famille entière de l’insatisfaction, c’est la confiance. Littéralement, cum fidere, c’est remettre quelque chose de précieux à quelqu’un. Et nous, parents et mentors, sommes là pour accueillir ce don et donner le nôtre en échange. D’ailleurs, c’est grâce à son fils que Mac Fly père assumera son esprit créatif et deviendra écrivain épanoui.
L’estime de soi, en tant que parent a des répercussions importantes sur la confiance qu’ont les ados dans leurs propres capacités. N’oublions pas que nous sommes des modèles à partir desquels nos enfants brodent leurs propres fantasmes et envies.