Hikikomori, mais quel nom bizarre a-t-on donné à ces adolescents qui ne se comportent pas comme des membres contributeurs de notre jolie société !
Du japonais «Hiki» signifie«se désister» et «komori» veut dire «enfermé».
Hikikomori est le terme attribué aux jeunes ayant entre 14 et 25 ans qui décident de se mettre en retrait de toute activité sociale depuis au moins 6 mois.
L’hikikomori a un comportement social dit “déviant”, c’est-à-dire qui s’écarte des comportements habituels et attendus.
En effet, l’ado, ne voit plus ses amis, ne travaille plus, ne va plus à l’école et a des relations distantes avec sa famille.
En 2010, on en comptait au Japon pas loin de 230 000 soit 0,2% de la population japonaise . Plus de la moitié d’entre eux ont déclaré s’être retirés progressivement de la société à cause de problèmes liés à l’école ou au travail.
Ce phénomène n’est pas nouveau, il est observé avec attention depuis les années 90 et fait l’objet de nombreuses études sociologiques et ethnologiques.
De plus en plus de cas sont observés à travers le monde et notamment en France. Pourtant, Il n’est pas aisé d’obtenir les statistiques concernant ce phénomène social en France.
Comment reconnaître un hikikomori et peut-on l’aider ?
Qui sont les hikikomori ?
Restez chez soi est un choix et cela peut durer des années
On choisit de se retirer de la société parce qu’on :
- nourrit un lien particulier avec sa mère
- n’arrive pas à se projeter dans l’avenir
- est déçu-e des personnes
- a vécu un événement traumatisant
L’hikikomori est principalement un garçon, il vit chez ses parents, mais il leur montre très peu de dépendance, paradoxalement. Il ne leur demande rien et fait comme s’il n’avait besoin de personne.
L’hikikomori, n’est pas un adolescent qui passe tout son temps devant jeux vidéos ou sur les réseaux sociaux. Il n’est rien de tout cela.
Il ne pense pas non plus que ses parents sont des sales cons et qu’il faut leur rendre la vie dure.
L’hikikomori n’est pas narcissique, il n’a pas envie de prouver à qui que ce soit qu’il réussit. Il ne désire ni être vu ni voir autrui.
Devenir hikikomori, c’est adhérer à une forme de spiritualité, c’est un choix de vie, avec des motivations, des codes particuliers. Il construit son « confort intérieur » en se retirant de la vie en société.
Chaque hikikomori est unique et a sa propre raison de se mettre en retrait.
Ce qui motive le jeune à devenir un hikikomori, c’est le sentiment d’être en décalage avec le monde. L’hikikomori se sent profondément différent, et il éprouve des difficultés à trouver sa place dans le monde, à l’école, dans sa famille, avec ses amis.
Il est souvent déçu par son entourage, un entourage qui a vision normée la réussite.
Nous savons qu’il est plus simple de trouver sa place dans la société lorsqu’on est beau et mince. Une personne en surpoids moyennement jolie sera la plupart du temps rejetée ou disqualifiée et ce peut importe si elle est extrêmement intelligente. La société juge.
L’hikikomori peut ressentir aussi un certain découragement face aux exigences de réussite de la part de ses parents, il ne parvient pas à les rendre fiers. Il ne se sent pas aimé, désiré.
L’hikikomori ne s’engage pas non plus dans des relations superficielles. Ce sont des efforts trop coûteux d’un point de vue psychologique. Il cible généralement les personnes avec lesquelles il peut échanger sur certains sujets (pointus) sur les réseaux sociaux. Il n’éprouve aucun besoin d’être en contact physique avec autrui. Pour lui, ce n’est une condition qui permette d’entretenir de « bonnes relations ».
D’autre part, on peut devenir hikikomori suite à un traumatisme subit dans l’enfance (viol, coups etc.). La guérison n’est possible que dans le retrait.
Peut-on aider les hikikomori ?
C’est toujours plus difficile d’aider une personne qui refuse d’être aidée. Les parents doivent trouver d’autres parents pour échanger et se faire aidés par un professionnel de santé pour renforcer le lien avec leur enfant, lui faire confiance, éviter de le juger, mieux l’écouter, se remettre aussi en question.
En effet, beaucoup de ces jeunes ont renoncé à la vie en société parce qu’elle est exigeante, qu’elle est parfois violente et souvent source de déception.
Comment en effet faire face à un adolescent qui ne veut pas vivre dans ce monde ?
En tant que parent, je pense que cela doit être une situation impossible à vivre. Essayer de comprendre les raisons qui ont poussé leur ado à se retirer de la société, doit être un combat quotidien.
Parler à son entourage de ce phénomène doit certainement être aussi douloureux.
C’est plus simple pour un parent d’aller chercher de l’aide extérieure s’il sait que son enfant souffre d’une maladie physique ou mentale. Or, ce n’est pas le cas de l’hikikomori.
En effet, le fait d’être hikikomori n’est pas une pathologie, ni un syndrome, mais une conduite : « une sorte de résistance passive ». Même si ce choix de vie pourra s’avérer de plus en plus pesant et douloureux pour le jeune qui souhaite revenir à une « homéostasie sociale », car il n’est pas simple de passer d’une vie d’ermite à la vie en société.
L’hikikomori n’est ni agoraphobe, ni phobique scolaire.
Selon la psychologue et auteure du livre “La peur du loup” Béatrice Copper-Royer, la phobie scolaire se résume à une peur intense de l’école conduisant l’enfant, l’adolescent à éviter systématiquement de s’y confronter”.
La phobie scolaire se manifeste par des troubles psychophysiologiques chez le sujet :
- Crise d’angoisse
- Attaque de Panique
- Douleur intense à la tête, au ventre
Les symptômes disparaissent une fois le sujet éloigné de l’école.
Le mode de vie d’un hikikomori est loin d’être sain. La claustration prolongée peut devenir si invalidante que les parents peuvent avoir recours à d’éventuelles hospitalisations de leur adolescent.
Il n’en demeure pas moins que l’hikikomori est un être en souffrance. L’homme est un animal social, il a besoin d’être avec les autres pour survivre. Le risque d’être isolé c’est de basculer dans la dépression ou dans le développement d’une phobie. Donc, bien que l’hikikomori ne demande pas à être aidé, il faut lui tendre la main autant que possible.
Les réponses possibles
La réponse est sociétale, elle n’est pas juste inhérente à une éducation familiale. C’est essentiellement en questionnant nos modèles d’éducation que nous parviendrons à trouver les réponses adaptées.
Cela peut arriver à votre enfant, quel que soit votre milieu social.
Chaque situation doit être analysée sous différents angles :
- L’angle individuel : quels sont en effet, les attentes de votre enfant ? Qu’est-ce qui fait sens pour lui ? En quoi croit-il ? Qu’est-ce qui le rendrait heureux ? Que pense t-il de cette société, comment se voit-il prendre sa place ? Avec quelle aide ? Nous devons dans notre éducation être plus à l’écoute du désir d’autrui.
- L’angle sociétal : le travail est devenu une denrée rare, il est facile de basculer dans la précarité, ce n’est pas simple de se projeter, de prendre son temps pour réfléchir au sens de sa vie. L’introspection appartient à ceux qui peuvent prendre leur temps pour planifier leur vie. Le temps, c’est souvent de l’argent. Le travail doit aussi avoir un sens, nous pouvons aussi constater pléthore d’offres d’emploi inutiles (les fameux bullshit jobs que David Graeber a si bien décrit). La détérioration de l’environnement a sans doute accentué une angoisse chez les jeunes. La société de consommation rend assez difficile toute forme de spiritualité. Nous devons redonner du sens au travail, parce que le travail reste un endroit important d’épanouissement pour chaque individu.
- L’angle familial : Dans une société où le père fuit souvent ses responsabilités, difficile pour les enfants d’avoir des repères solides, des fondations sur lesquelles s’appuyer pour se confronter aux aléas de la vie. Les hikikomori sont souvent des garçons, ils restent chez eux pour peut-être protéger leur mère ? Renouer le lien familial est une priorité pour aider l’hikikomori à sortir de sa solitude et à s’ouvrir au monde de nouveau.
- L’angle thérapeutique : la claustration trop prolongée est néfaste, il ne faut pas la laisser s’installer. Une aide psychologique pour les parents et leurs adolescents doit se mettre en place, le plus tôt possible. En outre, certains hikikomori présentent des troubles du spectre autistique (Asperger par exemple). Il faut encourager la recherche à comprendre ce comportement pour permettre aux familles d’agir avec leurs enfants.
Pour approfondir le sujet :
• Hikikomori, ces adolescents en retrait, ouvrage collectif sous la direction de Maïa Fansten, Christina Figueiredo, Nancy Pionné-Dax et Natacha Vellut, Armand Colin, 2014.
• Génération Hikikomori, de Nicolas Tajan, aux éditions L’Harmattan, juin 2017.
• «Retrait social du jeune : phénomène polymorphe et dominantes psychopathologiques. Quelles réponses ?» de Marie-Jeanne Guedj, L’information psychiatrique, 2017.
• «Histoire d’un hikikomori occidental», de Philippe Le Ferrand, Rhizome 2016/3 (n°61)
• «Quitter l’enfance et devenir. Perspectives anthropologiques du chemin vers l’accomplissement», de Christina Figueiredo, dans Devenir adulte, de Marie-Rose Moro, aux éditions Armand Colin, 2014.
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