Cette semaine pour le blog de Weeprep, Alexandra d’Imperio, médiatrice et journaliste scientifique, interroge le positionnement des jeunes face à la cause écologique. Bien qu’il existe des différences selon les milieux sociaux et les territoires, il apparait que les jeunes font preuve de davantage de maturité, de sagesse, comparés à leurs aînés. L’écologie occupe une place importante dans leurs préoccupations quotidiennes. Et, alors que de nombreux adultes sont encore dans le déni, eux·elles ont la lucidité de mesurer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement.
Alexandra d’Imperio partage son savoir et ses analyses sur son blog dédié, Le Troisième baobab. D’autre part, elle collabore à l’émission Recherche En Cours sur AligreFM. Elle est reconnue pour son approche pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales pour décrypter les rapports entre société et environnement. Un très grand merci à elle pour sa contribution éclairante et inspirante !
La médiation scientifique au service de l’écologie
Peux-tu te présenter aux lecteurs·trices de Weeprep ?
J’ai 30 ans et je vis dans la campagne bretonne depuis quelques mois. Au quotidien, j’essaie de trouver une manière de concilier mon travail avec mes valeurs, mon épanouissement intellectuel et personnel. En ce qui concerne mes activités professionnelles, je me présente en général comme médiatrice scientifique ou journaliste scientifique spécialisée dans l’environnement. J’écris des articles format magazine pour le web ou la presse. J’interviewe des scientifiques à la radio, j’assure des conférences (hors covid), et j’anime des tables rondes sur mes sujets de prédilection.
D’où t’es venue cette nécessité de te consacrer à la médiation scientifique ?
Je n’ai pas choisi mes études dans le but de devenir médiatrice scientifique. Je ne connaissais même pas l’existence de ce métier quand j’avais 18 ans. J’ai toujours été attirée par l’écriture et très curieuse du monde qui m’entoure. Au lycée, j’ai fait un parcours scientifique pendant lequel j’ai beaucoup apprécié l’enseignement en biologie et en physique. Mais je regrettais le peu de temps alloué aux enseignements littéraires. Je cherchais une voie qui puisse me nourrir intellectuellement dans ces différents domaines. Je réfléchissais déjà au journalisme mais j’essayais de trouver une alternative, rebutée par un marché du travail difficile. J’ai ensuite fait des études d’histoire-géographie pendant lesquelles je me suis totalement épanouie, mais sans trop savoir où cela me mènerait.
Après mon master, je cherchais à travailler dans le monde associatif, dans l’humanitaire ou l’environnement, mais je ne trouvais pas d’emploi. J’ai ressenti le besoin de reprendre le contrôle sur mon avenir. Alors j’ai lancé un blog de vulgarisation avec des articles au format magazine. L’objectif était de me former en autodidacte et de faire connaître mon travail pour me constituer un réseau professionnel. J’ai toujours privilégié la qualité à la quantité. Pour chaque article, je faisais une revue de la littérature scientifique, comme j’avais appris à le faire durant mes études universitaires. J’en tirais ensuite une synthèse détaillée et sourcée, que je tâchais de présenter de la manière la plus agréable et dynamique possible.
Au fur et à mesure des articles, je me suis intéressée à la philosophie et à la sociologie des sciences. J’ai compris que je ne voulais pas seulement faire de la vulgarisation, qui consiste en général à transmettre le message des “savants” (les scientifiques) aux “ignorants” (le grand public), mais surtout de la médiation scientifique. La différence, c’est que la médiation scientifique prend aussi en compte la manière dont le grand public réagit au message des scientifiques et encourage le dialogue entre les deux. D’où le terme “médiation”. Il faut souvent expliquer aux scientifiques pourquoi le grand public n’est pas d’accord avec eux. Et ce n’est toujours une question d’ignorance ou d’irrationalité. Il y a des considérations politiques, économiques ou éthiques, auxquelles les scientifiques sont parfois aveugles. Ce métier me permet donc de conjuguer différents centres d’intérêt et types de compétences.
Pour acquérir un peu plus de légitimité dans mon activité et étoffer encore mon réseau professionnel, j’ai décidé de suivre un diplôme universitaire en médiation scientifique. Il m’a ouvert de nouvelles portes et aidée à maîtriser un peu mieux mon syndrome de l’imposteur.
L’écologie interroge le rôle de l’humain dans son environnement
Comment est née l’écologie et quelles ont été ses principales évolutions jusqu’à nos jours ?
L’écologie existe depuis les débuts de l’humanité
Tout dépend de la manière dont on définit l’écologie. Les populations humaines se sont toujours plus ou moins souciées de la gestion des ressources naturelles. Ne serait-ce que pour éviter de les surexploiter et de mourir de faim. Mais avec la complexification des sociétés et la fragmentation des activités (certains produisent la nourriture, d’autres la transforment, d’autres la consomment, et d’autres encore s’occupent des déchets), il est devenu de plus en plus difficile d’avoir conscience des conséquences environnementales de nos activités. Puis surtout, avec l’industrialisation et l’urbanisation à partir du 18ème siècle, de nouveaux types de pollution ont fait leur apparition. Et avec elles de nouvelles préoccupations.
On attribue en général la paternité du mot “écologie” à un philosophe et biologiste allemand nommé Enrst Haeckel en 1866. Ce néologisme est formé avec les mots grecs “oikos” (la maison) et “logos” (la rationalité, la science). Pour Ernst Haeckel, le mot “écologie” sert à désigner les sciences de l’environnement mais aussi, ce qui est moins connu, une philosophie qui doit permettre d’orienter les choix des sociétés humaines dans des domaines tels que la politique, la religion ou les arts. À la fin du 19ème siècle, de nombreux scientifiques occidentaux revendiquent le terme pour désigner un champ d’étude nouveau, reposant sur les sciences naturelles, au premier rang desquelles figure la biologie. La partie philosophique est pratiquement abandonnée.
C’est pour cela que l’on peut entendre que l’écologie est avant tout une science. Pour autant, je pense qu’il est extrêmement important de continuer de se poser des questions qui dépassent la science quand on réfléchit à l’environnement. Des questions morales, mais pourquoi pas aussi des questions esthétiques, métaphysiques ou spirituelles.
Émergence de la notion d’écosystème et nécessité politique de protection de l’environnement
En ce qui concerne la lutte pour la protection de l’environnement, donc l’aspect plus ouvertement politique de l’écologie, on peut imaginer qu’elle a toujours existé d’une manière ou d’une autre. Mais elle a pris énormément d’ampleur depuis les années 1960 et 1970 en parallèle de l’avènement de la société de consommation. Des militants ont commencé à questionner ce modèle de société et à dénoncer les pollutions qu’il génère. C’est également à ce moment-là que les scientifiques ont commencé à faire émerger la notion d’écosystème, qui demande d’envisager l’environnement dans sa globalité et non plus chaque élément de manière séparée. Quand on comprend que la planète est un gigantesque écosystème composé lui-même de petits écosystèmes, on prend conscience que “tout est lié”.
L’histoire de l’écologie mêle souvent la science et la politique. Les deux s’influencent mutuellement. Les scientifiques ont joué un rôle politique important en étudiant les problèmes environnementaux. Les militants ont relayé la parole des scientifiques et fait pression sur les représentants politiques pour trouver des solutions.
Pour toi, c’est quoi l’écologie, si tu devais résumer ce concept ?
Le mot désigne à la fois une science et un mouvement politique, ce qui peut entraîner de la confusion. Il n’y a pas de bon ou de mauvais emploi, les deux sont valables. Mais il faut parfois préciser de quoi on parle pour éviter les malentendus. Si l’on parle de l’aspect politique de l’écologie, je dirais que c’est une grande remise en question de notre rapport à l’environnement naturel et aux autres humains dans le but de trouver un équilibre harmonieux où chacun respecterait l’existence et les besoins des autres.
Pourquoi j’inclus l’harmonie entre humains dans l’écologie ? Parce que la pollution que je génère n’a pas uniquement des conséquences sur les arbres ou les animaux sauvages, mais aussi sur les autres humains. Si je rejette des quantités inconsidérées de CO2 dans l’atmosphère, cela a des conséquences dans le monde entier. L’écologie, c’est chercher à mettre en application la prise de conscience selon laquelle “tout est lié”. Mes actions, positives ou négatives, ont des conséquences sur la vie des autres. Qu’il s’agisse des plantes, des animaux ou des humains. Je me dois d’être à leur écoute. C’est une forme de maturité.
Justice sociale et justice environnementale
Les jeunes sont-ils unanimes par rapport à la cause écologique ?
Bien évidemment, les jeunes ne sont pas unanimes par rapport à la cause écologique, cela est impossible. D’abord car les individus ont tous une forme de sensibilité et un éventail de valeurs différentes. Ensuite parce que certaines personnes sont beaucoup plus préoccupées par certains problèmes écologiques que d’autres. Et face à un même problème, tout le monde ne privilégie pas les mêmes solutions. Il y a d’importants clivages au sein des mouvements écologiques. Comme celui qui concerne l’énergie nucléaire, très intéressante pour lutter contre le changement climatique, mais inquiétante à d’autres points de vue, comme la gestion des déchets nucléaires et les risques d’accident industriel. Les désaccords sont tout à fait habituels, chez les jeunes comme chez les moins jeunes. Par contre, les jeunes générations semblent être globalement plus préoccupées par le changement climatique que leurs aînés.
Ensuite, il existe de très nombreuses manières de s’intéresser à l’écologie et de s’engager. Mais certaines sont invisibles dans les médias classiques. Il y a de grosses différences selon les milieux sociaux ou les zones géographiques. Les sociologues comme Jean-Baptiste Comby ont montré que les pratiques les plus valorisées sont celles liées à une consommation “éthique”, à l’alimentation biologique, au zéro déchet, à l’achat de matériel électronique peu consommateur d’énergie ou de voitures électriques. Cela convient surtout aux classes sociales les plus favorisées. Mais il existe d’autres manières de s’engager, beaucoup moins “instagrammables”. Comme la récupération et la revalorisation d’objets, qui sont à la fois écologiques et économiques. Il est parfois beaucoup plus écologique de conserver ses vieux équipements que de les remplacer par des équipements “ultra performants”. Mais garder son vieil ordinateur, cela passe complètement inaperçu.
[Nous observons beaucoup de jeunes loin de l’emploi, loin des services de centre ville, des formations professionnelles, universitaires, vivant dans des déserts administratifs, médicaux. Ceux•celles-ci se tournent parfois vers le Rassemblement National de Marine Le Pen.]
Qu’en est-il de l’engagement pour l’écologie ?
S’engager pour l’écologie nécessite de pouvoir se décentrer de soi-même. Dans certains milieux sociaux, quand on ne sait pas si on aura assez d’argent ou de nourriture pour finir le mois, il est tout à fait normal de concentrer son énergie sur sa survie personnelle à court terme. Je pense que l’attrait de certains jeunes pour le Rassemblement National tient beaucoup plus au rejet d’un système politique et économique qui a échoué à remplir ses promesses de prospérité qu’à l’adhésion au projet de société du RN. Je crois que le vote RN est surtout un cri d’alarme, de désespoir et de révolte de la part d’une jeunesse qui se sent prise au piège d’une situation économique défavorable et démoralisante. L’écologie, telle qu’elle leur est présentée dans les médias “parisiens intellos”, est trop éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.
Comment faire de l’écologie sans nécessairement mettre de côté les plus fragilisés ?
C’est toute la question ! Comme je disais, il existe différentes manières d’agir pour l’environnement. Mais certaines manières sont beaucoup plus mises en avant que d’autres. C’est bête mais quand on est pauvre, on consomme moins, et de ce fait on pollue moins. Mais on subit beaucoup plus la pollution des autres, car on habite dans des zones plus exposées aux pollutions, moins désirables et donc moins chères. Dans les milieux populaires en zone urbaine, les associations engagées pour l’écologie misent beaucoup sur la lutte pour la justice environnementale. Cela correspond à un besoin immédiat.
La justice environnementale vise à permettre à chacun de vivre dans un environnement sain. Quel que soit son statut socio-économique ou sa couleur de peau. Quand on habite dans un HLM au bord du périphérique parisien, les problèmes de santé liés à la pollution de l’air sont plus importants qu’ailleurs par exemple. Donc lutter contre la pollution de l’air, c’est lutter dans l’intérêt des classes populaires concernées.
Le problème se pose quand certaines villes adoptent des mesures bien intentionnées mais discriminantes. A Londres, les véhicules les plus polluants doivent payer plus cher pour pénétrer dans la ville. Quand les gens n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau véhicule, ce péage peut sérieusement grever leur budget. Il faut donc développer une offre de transports en commun dense et bon marché. Et, en même temps, proposer des aides financières à l’achat de véhicules moins polluants pour ceux qui ne peuvent pas s’en passer. Pour moi, l’écologie des petits gestes quotidiens, c’est déjà une bonne chose pour ceux qui ont le temps, l’énergie et l’argent pour la mettre en place. Mais une écologie ne peut se penser qu’à l’échelle collective, au minimum à l’échelle du quartier ou de la ville.
Lors de tes interventions auprès des jeunes, quelles préoccupations majeures as-tu relevées ?
Avec le covid, cela fait longtemps que je n’ai pas pu discuter avec des jeunes en face à face. J’aimerais bien savoir si la pandémie a changé leur rapport à l’écologie. En tout cas, le changement climatique a émergé comme un enjeu fondamental ces dernières années. À juste titre puisqu’il menace l’avenir des jeunes générations. Il cohabite avec des enjeux plus concrets, plus quotidiens, comme la propreté des villes ou des plages. Les opérations de nettoyage sont de bonnes occasions pour mobiliser un public très diversifié. Elles permettent de sensibiliser les participants à d’autres enjeux, comme la surconsommation de plastique. On peut faire un lien direct avec les déchets plastiques sur une plage et l’impératif de viser le zéro déchet.
L’éco-anxiété des jeunes : comment faire face aux incertitudes environnementales ?
J’ai abordé ce sujet dans une chronique pour l’émission Recherche En Cours pour AligreFM. Une retranscription est disponible sur mon blog (L’éco-anxiété chez les adolescents). Ce sujet est très intéressant car il met en avant la lucidité des jeunes face à la lâcheté des adultes au pouvoir. Quand les adultes autour d’eux nient le changement climatique, refusent de faire le moindre compromis et préfèrent mettre en danger l’avenir de leurs enfants ou petits-enfants plutôt que de se remettre en question, il me paraît normal que les jeunes perçoivent cette situation comme une énorme injustice. Il me paraît également normal que cela crée de la détresse psychologique. Quelque part, les jeunes atteints d’éco-anxiété sont probablement plus matures que les adultes qui refusent d’endosser leurs responsabilités.
Quels sont les moyens d’action en faveur de l’écologie ?
À ton avis, quels sont actuellement les leviers possibles d’action en matière d’écologie ?
On parle beaucoup des actions individuelles, de modifier sa consommation, de trier ses déchets, moins prendre la voiture etc. C’est très bien et je n’ai rien de révolutionnaire à proposer de ce côté-là. Mais je pense qu’il faut mettre le paquet sur l’action collective, au niveau municipal, intercommunal ou départemental. Ce sont des échelles sur lesquelles il est plus facile de s’engager et d’obtenir des résultats rapides et concrets. Les mairies gagneraient énormément à consulter plus systématiquement les jeunes. Transports en commun, opportunités d’emploi, sécurité, activités sportives et de loisir, bien-être… Il faut qu’elles portent plus attention à leurs besoins et à leurs attentes.
Pour des exemples concrets, je pense que les transports en commun ont la capacité de désenclaver les quartiers défavorisés, de faciliter l’accès des jeunes à certains emplois, tout en étant écologiques. Au niveau national, je pense qu’il faut mettre l’accent sur le train, revaloriser le réseau ferré déjà existant (très dense, mais en partie abandonné !). Cela nécessite de gros investissements mais face au changement climatique, il vaut mille fois mieux prévenir que guérir.
Quels sont les moyens les plus efficaces pour agir au quotidien pour l’environnement ?
Réparer, réutiliser, recycler : les “3 R” de l’écologie, valables pour l’électronique mais aussi pour le textile. Par contre, cela nécessite un certain investissement en temps. C’est un peu le problème des actions quotidiennes. En fonction de nos conditions de vie et de notre emploi du temps, il faut faire de notre mieux. Mais savoir aussi renoncer quand la charge mentale devient trop grande. Elle pèse beaucoup sur les femmes, les mères de famille. Et il faut éviter de les culpabiliser alors qu’elles font déjà du mieux qu’elles peuvent. Il faut que les hommes, les pères, prennent une part de cette charge pour augmenter les capacités d’action au quotidien.
Les jeunes ont-ils besoin de figures inspirantes, tangibles pour les conduire ? As-tu des exemples à nous partager ? Comment équilibrer connaissances scientifiques et actions concrètes, c’est-à-dire passer de la théorie à la pratique ?
Pour les conduire je ne sais pas, mais pour les inspirer, leur donner de l’espoir et de l’élan, certainement. Cela est valable pour les jeunes comme pour les moins jeunes. Il faut des personnes courageuses qui repoussent nos limites mentales. Qui nous montrent que le champ des possibles est beaucoup plus large.
Personnellement j’admire beaucoup Greta Thunberg. C’est justement parce qu’elle remet en question le statu quo qu’elle suscite autant de réactions agacées, des attaques sexistes très virulentes plus faciles à formuler que de démontrer factuellement que sa colère et son combat sont injustifiés. Greta Thunberg martèle qu’elle ne fait que partager la parole des scientifiques. Elle a été très bien briefée par certaines institutions scientifiques internationales, comme le GIEC, pour que ses discours soient inattaquables d’un point de vue scientifique. Mine de rien, elle a réussi à lancer un mouvement international de grèves de l’école et de manifestations chez les jeunes. On les a malheureusement un peu oubliées avec le covid.
Il faut que les partis politiques et les médias laissent émerger des figures de ce genre pour mobiliser les jeunes. Mais il faut aussi accepter qu’elles dérangent le statu quo et irritent les puissants. C’est un rôle difficile à assumer pour une jeune personne.
L’information scientifique repose sur la nuance
Quel impact ont les fake news dans le domaine scientifique ? Comment les déjouer ? Vers quels médias se tourner ?
Gros sujet, plus compliqué qu’il n’en a l’air… La manière dont fonctionne la recherche scientifique ne permet pas, dans de très nombreux domaines, de définir une vérité indubitable. Il faut émettre des hypothèses, parfois fausses, et les tester pour savoir si on peut les rejeter. Il est d’ailleurs plus facile de prouver qu’une théorie est fausse que de prouver qu’une théorie est vraie. La “fake news” est surtout évidente quand les recherches scientifiques sont consensuelles sur un sujet et que des rumeurs contraires continuent de circuler. Les articles, reportages, et vidéos qui prennent le temps de rétablir les faits scientifiques touchent surtout les indécis. Il s’agit de personnes chez qui la fausse rumeur a fait émerger un doute, sans pour autant les convaincre complètement.
Mais quand un sujet est tellement complexe que même les scientifiques n’arrivent pas à se mettre d’accord, il est d’autant plus difficile pour les médias d’actualités, même les plus sérieux, de savoir démêler le “vrai” du “faux”. Je mets ici des guillemets car sur les sujets controversés, on parle plutôt de probabilité, de degré de confiance ou d’incertitude. Il est important de prendre le temps de “débunker” les fausses rumeurs avec des faits scientifiques. Tout en étant honnête sur les limites de la science et les doutes qui persistent.
Faire preuve de sens critique et accepter le doute
Cependant, il faut avoir conscience qu’il est quasiment impossible de convaincre les complotistes les plus radicaux. Avec eux, il faut creuser plus profondément pour comprendre le vrai problème. Les réseaux sociaux sont à double tranchant. Ils permettent de faire émerger des sujets importants et de forcer les représentants politiques à y faire face. Mais ils permettent aussi de propager des rumeurs, des complots, des mensonges scientifiques. Une fois que la “fake news” est implantée, il est très difficile de la désamorcer. Quand une fausse rumeur scientifique se répand, elle en dit souvent plus long sur les inquiétudes de la population, la méfiance qu’elle ressent à l’égard des institutions politiques et scientifiques, que sur la nocivité supposée des réseaux sociaux ou l’ignorance crasse du grand public.
Quand on parle de sujets de société particulièrement complexes, je crois qu’il faut accepter que nous ne vivons pas dans un monde manichéen où s’affronteraient les méchants et les gentils, les partisans du faux et les partisans du vrai. Pour comprendre les grands sujets de société, il faut accepter de jongler avec des nuances de vrai et de faux, des points de vue différents qui ne s’annulent pas forcément les uns les autres.