Le décrochage scolaire ne cesse d’être l’une des préoccupations majeures du ministère de l’Éducation Nationale. Depuis trois ans maintenant, tout indique que le décrochage recule d’année en année. Il est passé de 150 000 à 98 000 par an. Ceci grâce à au dispositif Reviens te former , dans lequel l’État promet aux décrocheurs ayant entre 16 et 25 ans un droit au retour en formation. Loin d’être un phénomène nouveau, puisque dans les années 70 on pouvait dénombrer environ 200 000 jeunes sortant du système scolaire sans aucune qualification chaque année.
Qui sont les décrocheurs et comment le sont-ils devenus ?
Le décrochage scolaire n’est pas un phénomène social simple à définir. En effet, l’identité des décrocheurs n’étant pas aussi homogène que cela. On ne peut en l’état que se contenter d’hypothèses quant à l’identité des décrocheurs et aux processus à l’œuvre.
Néanmoins, il ne semble pas y avoir de rupture radicale entre les lycéens qui décrochent et leurs pairs. Même s’ils sont faiblement mobilisés par les activités scolaires, demeurent au sein des établissements. Les enjeux de ce phénomène dépassent le seul public concerné. Le décrochage scolaire interroge l’institution dans son fonctionnement comme dans sa capacité à donner sens à l’expérience scolaire et à aider à l’orientation des jeunes.
Pour mieux comprendre la perte de motivation et le processus de prise de décision d’un décrocheur, j’ai interviewé Axel, 30 ans, auto entrepreneur en développement web.
Interview d’Axel, 30 ans qui a décidé de quitter l’école pour prendre sa propre voie
Que signifie pour toi être décrocheur scolaire ?
“Tout d’abord, je n’aime pas le terme décrocheur scolaire. Je trouve que c’est un peu péjoratif, c’est plus une démotivation et une perte de confiance vis à vis de l’école et du personnel éducatif qu’un “décrochage scolaire”.
Pour moi être en échec scolaire signifie ne plus/pas être intéressé par ce que l’école nous propose comme éducation.”
Quand es-tu devenu un décrocheur scolaire ?
“J’ai commencé à me désintéresser de l’école en classe de 4e. J’avais souhaité entamer des études en informatique dans le domaine professionnel mais mon père, qui n’avait pas fait de longues études, m’a obligé à continuer dans la voie générale. Le résultat a été très simple, je me suis totalement braqué et j’ai arrêté de faire mes devoirs. Je ne prenais plus de note, pire encore, je n’allais plus en cours.
J’ai tout de même continué ma scolarité jusqu’en terminale L. Je n’ai jamais été intéressé et je m’ennuyais énormément en cours. J’ai arrêté l’école au mois d’avril, alors que j’avais réussi mon bac de Français et mon bac blanc, comme un pied de nez à mon père, histoire de lui montrer que j’en étais capable, mais que si je n’en avais pas envie, je ne le ferais pas.”
Pourquoi ne pas avoir changé d’établissement scolaire ou de filière ?
“Changer d’établissements n’aurait rien résolu. C’était de branche que j’aurais aimé changer, mais je n’ai pas eu le choix, ce n’est que tardivement que j’ai compris que ce choix m’appartenait.”
Quelle était ton attitude en classe ? Et tes notes ?
“Je n’ai jamais été mauvais élève, j’ai même une certaine facilité pour apprendre. J’ai une mémoire visuelle, je me souviens quand j’étais petit cela agaçait ma sœur car elle devait lire, écrire et répéter sa poésie pour la connaître, tandis que moi il me suffisait de la lire une ou deux fois pour être capable de la réciter par cœur.
On pousse les élèves les uns contre les autres avec un système de notation qui n’a jamais été adapté pour des enfants, c’est une pression énorme. Un adulte gère déjà mal la pression, alors imaginez un enfant, pas étonnant que l’on voit autant d’enfants démotivés. L’éducation scolaire doit se moderniser et sortir de cette rivalité qu’on impose aux enfants dès le plus jeune âge.”
En as-tu parlé à quelqu’un, tes parent, tes professeurs, tes amis avant de prendre cette décision ?
“Je n’en ai parlé à personne car j’avais l’impression que cela n’intéressait personne, c’était comme ça et pas autrement. Quand j’ai essayé de parler avec mon père du fait que la voie générale ne m’intéressait pas, il m’a répondu que c’était comme ça et pas autrement et que je l’en remercierai plus tard.”
On n’est pas compris et on est souvent seul, quand on prend une telle décision.
Quel était l’avis de ta famille ?
“Mes parents se rendaient bien compte que mes notes étaient basses. Néanmoins j’ai toujours fourni un minimum d’effort pour passer avec la moyenne demandée. Pour eux je pense que j’étais simplement un élève moyen, alors qu’en réalité, je n’étais simplement pas à ma place.”
Des conseils pour les jeunes découragés à continuer les études ?
“Oui, un seul. Imposez votre choix à vos parents, dites-vous bien que votre avenir vous appartient et qu’il ne doit pas vous échappez. Si vous avez un rêve, faites en sorte qu’il se concrétise.”
Décrochage scolaire : avoir une carrière sans diplôme, est-ce possible ?
Axel à décider d’arrêter l’école avant d’obtenir le bac, aujourd’hui il a créé sa propre mini-entreprise et travaille dans le secteur qui le passionne depuis tout petit. Mais attention, pour y parvenir il s’est auto-formé et a travaillé de façon assidue pour acquérir toutes les compétences et connaissances nécessaires.
Le décrochage scolaire peut être une opportunité si vous savez exactement où vous aller, que vous êtes affirmés et que vous avez conscience de vos talents, que vous êtes combatif, résilient. De nombreuses célébrités ont construit une carrière aujourd’hui internationalement reconnue. Parmi eux nous pouvons citer :
- Gérard Depardieu. Dès l’âge de 14 ans, il décide de travailler dans une imprimerie avec comme seul diplôme un certificat d’études primaires.
- Omar Sy. Passer le bac ou aller travailler avec Canal + ? Pour lui le choix a été évident.
- Zinédine Zidane. il n’a jamais passé le bac et s’est concentré sur sa carrière de footballeur.
- Jo-Wilfried Tsonga. Malgré deux parents enseignants, sa carrière de tennisman a débuté à 13 ans. Cela ne lui a pas laissé le temps de pousser ses études.
Toutes ces stars, aujourd’hui idolâtrées par beaucoup n’ont pas le bac. Elles ont réalisé leurs rêves en travaillant rigoureusement et ont fait de nombreux sacrifices. Si cette décision est purement réfléchie et faite avec un objectif bien précis, quitter l’école n’est pas une tragédie . Avant de prendre cette décision, parlez-en avec vos proches, vos professeurs, vos amis ou encore des professionnels.
Vous ne souhaitez plus aller à l’école mais vous n’avez pas de projet professionnel précis en tête ? Renseignez-vous sur les filières de bac pro qui existent (il y en a plus que vous n’imaginez), peut-être une formation différente attireront votre intérêt plus que le cursus dit “classique”.
Laetitia Guibert