La semaine dernière, j’explorais le champ des compétences psycho-sociales aussi nommées compétences psycho-comportementales ou softskills. Comment s’exercent-elles à la maison ?
Quelles pistes proposer aux jeunes pour les développer et gagner en confiance en soi ?
Gestion du temps et du stress : des compétences psycho-comportementales pour se sentir libre
Apprendre à gérer son temps vaut pour tous les domaines de la vie, tant professionnelle que personnelle. Les philosophes et poètes, de Ronsard à Baudelaire nous ont fait partagé l’universalité de la condition humaine face au temps qui passe. Ils nous incitent à cueillir le jour et vivre l’instant présent, sans quoi nous pourrions sombrer dans le spleen et nous laisser impressionner par l’horloge, inépuisable et sinistre. C’est pourquoi « gérer son temps », comme nous disons aujourd’hui plus prosaïquement, participe de notre équilibre.
En effet, lorsque nous nous sentons débordés, à cours de temps, notre niveau d’anxiété augmente. De plus, les effets du stress, qui n’est rien d’autre finalement qu’une course contre la montre imaginaire, peuvent avoir de graves répercussions sur notre santé. Les adultes connaissent bien ce problème et en subissent les conséquences au quotidien.
Mais les élèves sont également concernés et de plus en plus de spécialistes s’alarment du niveau de stress des jeunes. En novembre 2019, Télérama relayaient cette inquiétude dans un article intitulé Burn-out scolaire : nos ados vont craquer. La réforme du bac, la complexité de Parcoursup, la pression parentale, l’injonction de réussite mettent en danger les jeunes. On comprend mieux alors la nécessité de développer les compétences psycho-comportementales de gestion du temps et du stress.
Les élèves sont souvent demandeurs de solutions, mais les ressources sont plutôt maigres. Alexandre, sophrologue à Paris et animateur d’ateliers en milieu scolaire, déplore la frilosité des établissements. Il intervient plus facilement en primaire qu’en secondaire, alors que justement la pression augmente à l’entrée en 6ème. Mais les emplois du temps sont tellement chargés qu’il est impossible de dégager des horaires pour les collégiens et lycéens. À moins de venir en cabinet, ce qui exclut une bonne partie de jeunes pourtant demandeurs de solutions pour gérer son stress.
Selon Alexandre, les techniques pour apprivoiser son stress basées sur la sophrologie permettraient aux jeunes de poursuivre plus sereinement leur scolarité et même leur vie d’adulte. Ces techniques sont simples à mettre en place et ont prouvé leur efficacité depuis longtemps pour se relaxer et évacuer les pensées négatives et répétitives.
D’ailleurs, en période de confinement de nombreux spécialistes ont mis en ligne des vidéos pour aider à la gestion du stress et des angoisses.
Dans un autre registre, libérer sa créativité contribue aussi à l’épanouissement personnel. De plus, il participe des compétences psycho-comportementales en jeu tout le long de la vie.
Décider, agir, créer : des compétences psycho-comportementales pour résoudre les problèmes
Une synergie de compétences psycho-comportementales
Volontairement, j’ai rapproché ces trois compétences pour les présenter en synergie, les unes par rapport aux autres. Être créatif-ve suppose de se départir du jugement extérieur, de se concentrer sur ses capacités, de ne pas se limiter. Ainsi, il devient possible de combiner des éléments pour faire émerger de nouvelles logiques et résoudre des problèmes.
Quel exemple trouver dans le quotidien des familles ? La situation inédite de crise sanitaire pose de nouveaux problèmes auxquels les adultes n’ont pas de solutions toutes prêtes. C’est donc l’occasion pour les parents et les élèves de s’encourager mutuellement pour libérer leur créativité. Dans le contexte actuel de pénurie de masques de protection, se lancer dans une fabrication maison peut être un bon challenge !
Résoudre un défi collectivement
Problème : comment fabriquer des masques en tissu avec seulement du fil et une aiguille ? C’est-à-dire sans machine à coudre, sans élastiques, sans coupon de tissu et sans compétence de couture ! Imaginons que vous décidiez de relever ce défi. Comment allez-vous vous y prendre ? Quels outils et matériaux ? Qui fait quoi ?
Voici en quelques étapes la procédure adoptée par Houria et sa fille Lila (17 ans). Première étape : chercher le tuto magique avec une contrainte de taille, pas d’imprimante, donc pas de possibilité d’avoir recours à un patron. Bingo une vidéo en russe sous-titrée français propose de mesurer son visage et d’appliquer une règle de calcul (x+5) X (y+5). Merci Lila pour le tuyau !
Deuxième étape : fouiller dans les placards à la recherche de vêtements inutilisés. Merci papa pour la chemise, c’est vrai qu’elle te serre un peu… Troisième étape : découper avec les ciseaux de coiffure des rectangles de tissu à la taille des membres de la famille. Quatrième étape : petit coup de fil à mamie pour glaner quelques conseils. Un point en avant, un point en arrière.
Alors, il ne reste plus qu’à coudre, coudre et coudre… Et là je repense à un livre des Barbapapas, La robe. Toute seule Barbabelle ne parvient pas à se broder la robe de ses rêves, mais « la famille Barbapapa tente une nouvelle technique : le travail en équipe ! Barbabelle reprend courage. » Et à la fin nous obtenons une belle robe, euh non, de beaux masques en tissu !
Et vous, dans vos familles, quels défis avez-vous relevés en utilisant la créativité de chacun-e ? Faire du pain maison, inventer un système d’irrigation dans le jardin (vu sur le net !), décorer les toilettes, fabriquer une cabane à oiseaux, réparer l’électricité du garage… ?
Ce que j’aime bien aussi dans l’exemple des Barbapapas c’est la prise en compte des émotions de Barbabelle. Sa famille fait preuve d’empathie à son égard. Très orientée compétences psycho-comportementales cette famille Barbapapa !
L’empathie : une compétence sous-estimée parmi les compétences psycho-comportementales
Voici une autre compétence que le magazine Forbes incluait dans un article consacré aux compétences psycho-comportementales, soit 15 soft skills à maîtriser en entreprise. L’empathie arrive en quatrième position comme une mise en pratique de l’intelligence émotionnelle. Selon Jérôme Hoarau et Julien Bouret*, elle permet de « comprendre la réalité de l’autre ». Mais à quoi ça sert ? Premièrement, cela permet d’adapter son comportement en fonction de l’état émotionnel de son interlocuteur-trice. Deuxièmement, on apprend sur soi en observant les autres, ce qui ouvre à une meilleure connaissance de soi.
Par ailleurs, l’empathie s’avère souvent un élément motivant pour passer à l’action. Ainsi, j’ai relevé sur les réseaux sociaux une information très touchante concernant un sportif professionnel. Il s’agit de Maxime Mbanda, rugbyman international italien devenu brancardier volontaire à Parme.
Ce joueur engagé auprès de la Croix Jaune italienne invite les jeunes adultes à se renseigner sur les possibilités d’aide près de chez eux. Bel exemple d’empathie que celui de ce sportif engagé auprès des plus vulnérables. Et une remarquable démonstration d’une prise de décision, d’une action compatible avec ses idées, sa personnalité. Bref, une bonne dose d’inspiration pour tout âge !
Communication : échanger avec ses amis, ses parents, ses enseignants
La compétence de prise de parole
Enfin, une des compétences psycho-comportementales les plus évidentes et plébiscitées à tous les niveaux de la société demeure la communication. Considérée comme la classe d’âge du tout numérique, la fameuse génération Y communique volontiers sur les réseaux sociaux. Cependant, cette communication n’a rien à voir avec des échanges raisonnés. Si la spontanéité apporte de la fraîcheur, il est souvent judicieux d’analyser une situation avant de parler ou d’écrire. Communiquer efficacement réclame de maîtriser de nombreuses compétences.
Ainsi, savoir s’exprimer, prendre la parole pour se présenter et mettre en valeur ses idées ou celles de son groupe s’acquiert. Grâce à des exercices oratoires, une préparation mentale et une organisation des contenus, communiquer s’avère primordial pour réussir. Qu’en est-il de cette compétence au sein de la famille et plus particulièrement en période de crise sanitaire ? Cette situation inédite complexifie les différents niveaux de communication et d’interaction des adultes et des ados.
La communication parents/enfants
Tout d’abord, les jeunes peuvent avoir tendance à s’isoler, ce que l’adulte interprète comme un refus de communication. Nous ne disposons pas encore de données scientifiques sur la communication en situation de confinement familial. Lorsque des difficultés préexistent entre les parents et les enfants, elles ont tendance à perdurer, voire à s’aggraver. L’éloignement physique, le besoin de préserver son intimité, de disposer d’un espace de parole hors du jugement adulte font défaut à de nombreux jeunes. Cependant, certaines familles ont aussi profité de ce temps pour discuter plus sereinement avec leurs enfants, quel que soit leur âge.
Mais tous, jeunes et moins jeunes, s’accordent pour dire à quel point les relations sociales leur manquent. Et le numérique ne résout pas tout. Même une session live sur FB ou Insta ne remplace pas les regards de connivence, les mains qui s’expriment, les intonations et autres subtilités corporelles liées à la communication. Les ami-e-s s’appellent, s’envoient des SMS, des vidéos. Mais d’autres aussi ne décrochent plus, se sentent parfois harcelés par leur téléphone et préfèrent écouter de la musique et rêver à des jours meilleurs.
Pour ceux-là la communication intra familiale est fondamentale pour conserver le lien, valoriser la parole, l’expression de soi. Prendre soin de ses proches c’est les écouter, rire ensemble, s’embrasser, discuter de choses banales ou se lancer dans de grandes théories. C’est pourquoi la famille demeure le dernier bastion communicationnel. Mais lorsque les parents ne sont pas disponibles, qu’ils travaillent, qu’ils sont malades ou qu’ils sont angoissés, leurs enfants doivent différer leur besoin de parole. En fonction des personnalités, cette situation sera plus ou moins surmontable.
La communication profs / élèves
Ainsi, certains enseignants ont bien compris qu’ils avaient un rôle à jouer dans le maintien de la socialisation des leurs élèves. Ils ont souvent à coeur de prendre de leurs nouvelles, de les encourager, d’organiser des rencontres virtuelles. Faire classe à distance a permis de créer des liens nouveaux, inédits entre professeurs et élèves. C’est l’occasion de mieux se connaître, d’apercevoir une bribe d’intimité chez les uns et chez les autres, un mur recouvert de dessins, une vieille table décorée d’un bouquet de fleurs du jardin. Des détails qui émeuvent, qui rendent plus humains les échanges et qui aplanissent la verticalité habituelle des rapports profs/élèves.
En définitive, n’est-ce pas pour cette raison que la plupart des enseignants ont choisi d’exercer cette profession ? L’essence même de l’enseignement et de l’apprentissage repose justement sur la qualité des relations entre ces deux grandes entités que sont les enseignants et leurs élèves.
*Le réflexe soft skills, les compétence des leaders de demain, Fabrice Mauléon, Julien Bouret et Jérôme Hoarau, Ed. Dunod, 2014