Le dispositif des classes à horaires aménagés remonte à 1974. Il permet aux élèves de conjuguer pratique artistique ou sportive avec les enseignements classiques de leur niveau scolaire. Pour les élèves de primaire et de collège, il s’agit d’enseignements renforcés en musique, danse, théâtre, arts du spectacle et arts plastiques (localement). Au collège et au lycée, certaines académies proposent des Classes à Horaires Aménagés Sportifs d’Excellence. L’offre a tendance à augmenter et à se diversifier. Mais elle ne concernait toutefois que 26 000 collégiens inscrits en CHA artistique, soit 0,8% des effectifs totaux. Quelles sont les spécificités et modalités d’accès à ces cursus ? Quel impact ont-ils sur l’orientation des jeunes qui les suivent ?
Classes à horaires aménagés : profils et conditions d’accès
Profils des élèves inscrits en classes artistiques
D’après une note d’information de la DEPP de juin 2019, « pour plus de 76% des élèves inscrits dans une classe à horaires aménagés, l’enseignement artistique suivi est un enseignement de musique. » Ce sont plus fréquemment des filles (64%) et des « enfants issus d’un milieu social très favorisé ». Sauf en zone d’éducation prioritaire, pour les classes théâtre. Par ailleurs, ces élèves résident majoritairement au centre des agglomérations et le moins souvent en zone rurale. De plus, certaines académies concentrent beaucoup d’élèves en CHA : Rouen, Paris et Dijon totalisent 3 800 collégiens inscrits en 2018.
Sur 25 926 collégiens en CHA à la rentrée 2018, ils sont
- 20 101 en CHAM (musique),
- 3 177 en CHAT (théâtre),
- 1763 en CHAD (danse),
- 885 en arts du cirque,
La totalité représente 0,78% des effectifs nationaux de collégiens qui étaient 3 326 191 en 2018. Les élèves scolarisés en CHA en éducation prioritaire sont 5 490 et représentent environ 1/3 des inscrits en CHAT.
Conditions d’accès aux classes à horaires aménagés
Les classes pour les profils artistiques
Tout d’abord, il faut noter que l’accès aux classes à horaires aménagés réclame un excellent niveau de pratique et une grande motivation. Il y a peu de places et la sélection est rude pour s’y inscrire. L’entrée en CHA démarre au CE1 mais reste possible à chaque niveau jusqu’en troisième. Attention toutefois, certains établissements ne recrutent qu’en début de parcours (CE1, 6ème ou parfois 4ème). Seuls quelques déménagements libèrent des places au compte goutte.
Au niveau du collège, les conditions d’accès dépendent des :
- livret scolaire,
- niveau de pratique dans la discipline demandée,
- motivation.
Par exemple, au collège Rognoni à Paris, la candidature doit comporter un dossier artistique de 8 pages et une vidéo de 5 minutes dans laquelle l’élève se présente puis réalise une performance (artistique ou sportive). Dans tous les cas, l’élève doit justifier d’une inscription dans un établissement artistique. Ainsi, il doit fournir les bulletins de conservatoire, les justificatifs de prix reçus etc. Les dérogations sont possibles. Mais elles doivent être doublées d’une inscription dans l’académie d’origine pour plus de sûreté en cas de refus du dossier.
Les classes pour les profils sportifs
De même pour les cursus CHASE (Classes à Horaires Aménagés pour Sportifs d’Excellence), les candidatures s’effectuent en ligne. Elles se doublent aussi d’une demande d’affectation locale pour parer un refus éventuel. À l’approche des JO de 2024, les efforts augmentent pour développer l’offre de CHASE, jusqu’ici organisée localement par chaque académie. Par exemple, à Paris, ces classes existent depuis 2012 et s’adressent aux élèves ayant un bon niveau de pratique sportive et un volume d’entraînement important. Ils doivent être inscrits dans un club sportif parisien ou d’une commune francilienne.
En 2019, le ministère de l’Éducation nationale s’est engagé à créer 1 000 sections sportives scolaires d’ici 2024.
En effet, il n’existe à ce jour aucune réglementation consacrée au sport autre que la note de service interministérielle n° 2014-071 du 30-04-2014 relative au « sport de haut niveau » proposant des aménagements de scolarité et d’examen pour les seuls sportifs inscrits sur les listes de haut niveau du ministère des sports. Cela conduit les académies à mettre en place des dispositifs ou des fonctionnements particuliers, le plus souvent non pérennes. Ainsi, de nombreux jeunes sportifs sont inscrits dans des classes à horaires aménagés ouvertes pour des musiciens ou danseurs en vue de bénéficier des aménagements de scolarité. D’autres dispositifs, comme des sections sportives scolaires dites d’excellence, sont ouverts en académie en collège et/ou en lycée.
Réponse du MEN à la question écrite n° 10720 de M. Michel Savin (Isère – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 06/06/2019 – page 2922
Le MEN a affirmé sa volonté, pour les jeunes concernés, d’ « aboutir à un équilibre plus satisfaisant entre la réussite de leur projet de haute performance sportive et leur projet éducatif et professionnel ». De plus, d’après un article de vousnousils de 2019, Jean-Michel Blanquer a l’intention de créer un BTS métiers du sport. Il a également émis l’idée de créer des campus professionnels dédiés aux métiers du sport. Ainsi, l’objectif annoncé serait d’ »élargir le champ des possibilités des jeunes souhaitant travailler dans le domaine sportif ». Mais aussi d’offrir un nouveau débouché pour les titulaires d’un bac professionnel. En effet, ces derniers n’accèdent quasiment jamais aux filières STAPS.
Organisation des cours pour les classes à horaires aménagés
L’organisation des enseignements dans les établissements proposant des CHA varie en fonction des académies et des ressources locales. Par exemple, l’Académie de Paris, propose plusieurs types de dispositifs pour ses classes à horaires aménagés artistiques en « conventionnant avec différentes institutions culturelles » :
- Conservatoires Municipaux d’Arrondissements,
- Conservatoires à Rayonnement Régional de Paris et Boulogne-Billancourt, Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris,
- Maîtrise de Radio-France, Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, Maîtrise de Notre Dame.
Ainsi, dans les CHAM, CHAD et CHAT, « les élèves sont libérés deux à trois demi-journées par semaine afin de pratiquer leur activité au sein de l’établissement ou de la structure partenaire, principalement un Conservatoire Municipal d’Arrondissement ».
De plus, les élèves ayant un haut niveau de pratique peuvent bénéficier d’une classe à « double cursus ». Dans ce cas, ils auront cours en demi-journée uniquement (matin ou après-midi). Il s’agit souvent d’élèves issus d’un conservatoire régional, national ou d’une maîtrise.
Choix d’orientation des élèves issus des classes à horaires aménagés
À la sortie des classes à horaires aménagés, quels sont les choix d’orientation après la 3ème et au lycée ?
Majorité d’élèves scolarisés en lycée général et technologique
Tout d’abord, la note d’information de la DEPP relève une nette différence entre les choix d’orientation des collégiens dans leur ensemble et ceux issus des CHA. En effet, ils sont 92% à choisir de poursuivre leurs études en lycée général et technologique contre 67% en moyenne pour les élèves sortant de 3ème.
Par ailleurs, en 2019, ces élèves se répartissaient comme suit en Terminale :
- 46% d’entre eux suivaient une Terminale scientifique (contre 23% en moyenne),
- 13% en Terminale littéraire (contre 6% en moyenne),
- 17% en Terminale Sciences économiques et sociales (contre 14% en moyenne),
- les filières technologiques recueillent moins de succès qu’en moyenne, sauf pour la filière TMD (Techniques de la musique et de la Danse) avec 2,4% contre 0,03% en moyenne.
Les matières scientifiques dominent les choix disciplinaires
On constate donc une forte prépondérance des élèves à s’orienter vers les matières scientifiques. Cette donnée ne fait que confirmer plusieurs études qui établissent une corrélation entre la pratique musicale et les résultats scolaires dans ces matières. Ainsi, la pratique d’un instrument a des effets cognitifs et entraine une plus grande plasticité cérébrale. « Dans les cas les plus intensifs, la formation musicale semble avoir des effets bénéfiques sur la vitesse de traitement de l’information et les capacités de raisonnement. » En fait, ces deux spécificités correspondent à la démarche logico-mathématique, requise dans les matières scientifiques.
Concernant les facultés d’apprentissage, l’article de Jean Elie Dumas, L’impact de la pratique musicale sur la réussite des enfants, sur le site Musique pour tous est très instructif.
Pour l’heure, il n’est pas encore possible d’obtenir des données statistiques à jour avec la réforme du bac. Les éléments de 2019 peuvent donner une piste pour appréhender les choix de spécialités en 2021. En toute logique, les futurs bacheliers issus des CHA devraient avoir massivement choisi les spécialité Maths et Physique Chimie.
Orientation en série Technique de la Musique et de la Danse
À l’issue de la Seconde, une grande majorité d’élèves ayant effectué un cursus en CHA au collège devraient donc emprunter la voie générale, d’après les données des années antérieures. Cependant, les élèves souhaitant préparer un baccalauréat S2TMD demanderont un passage en Première technologique. En effet, d’après les statistiques présentées par la DEPP, cette série de la voie technologique, recrute des élèves issus des CHAM, CHAD mais aussi CHAT. Rien de surprenant si l’on considère que les élèves issus de CHA sont les plus compétents pour accéder à cette filière.
Dommage qu’une étude plus poussée ne nous délivre pas d’informations sur les parcours de ces jeunes. À quand remonte leur désir de s’orienter vers les métiers techniques de la danse et de la musique ? Est-ce corrélé à leur niveau de pratique ? Est-ce une assurance face à un avenir de danseur·se / musicien·ne incertain ? Dans des milieux aussi fermés et compétitifs que la danse ou la musique, les élu·e·s sont rares et la motivation de rigueur. Que deviennent celles et ceux qui n’ont pu concrétiser leur rêve ?
Récemment, France musique titrait sur et recueillait les témoignages d’hommes et de femmes confrontés à leur fin de carrière. Cet article pointe aussi le manque flagrant de préparation à la reconversion professionnelle et l’absence de formations adéquates. À cet égard, les milieux de la danse et du sport semblent mieux avertis et organisés pour faire face aux fins de carrière.
Prépondérance des options artistique et sportive
Quel avenir pour la musique au lycée ?
La réforme du bac 2021 avec son système de spécialités en voie générale a invisibilisé les options facultatives, mais elles existent toujours. Cependant, les options artistiques ne pourront plus fonctionner comme bonification, mais seront évaluées dans le cadre du contrôle continu. Or, d’après l’analyse de France Musique, les épreuves communes ne comportant pas les options facultatives, l’évaluation de l’option entrerait dans les 10% de la note totale du bac provenant du livret scolaire. Pour illustrer son propos, la journaliste de France Musique compare le gain de points de l’ancien système de notation avec le nouveau et aboutit à ce constat : là où avant l’élève gagnait 0,9 point de moyenne, il acquiert aujourd’hui 0,09 point.
Par ailleurs, l’article tire la sonnette d’alarme sur la suppression de l’option musique. La ratio investissement personnel de l’élève, avec plus de 3h de travail hebdomadaire en Terminale, par rapport au gain de points est trop faible pour attirer autant d’élèves qu’avant. C’est pourquoi des chefs d’établissements suppriment cette option, alors même que le ministre avait annoncé des efforts pour favoriser l’enseignement de la musique à l’école.
En fait, il semblerait que les classes d’âge primaire et collège puissent bénéficier d’actions liées à la pratique et à l’écoute musicale, mais le lycée en est exclu. Les priorités sont ailleurs et la réforme du lycée a mis en compétition les disciplines entre elles.
Ce qui pose à nouveau la question de l’égalité d’accès à l’enseignement de la musique, les familles les plus aisées continuant d’assumer l’éducation musicale de leurs jeunes, tandis que les autres cesseraient à l’entrée au lycée. Toutefois, certains établissements font tout leur possible pour maintenir l’option musique et la chorale au lycée. Comme cet établissement semi-privé de l’Est parisien qui continue même d’enseigner la flûte au collège. Cependant tout repose sur une seule enseignante chargée des cours de la 6ème à la Terminale. Une organisation rendue possible par le fonctionnement de l’établissement en groupe scolaire collège/lycée.
Spécialité Sport et option facultative
Pour les sportif de haut niveau, le choix de la spécialité EPS s’effectue en toute logique. Cependant pour ceux qui souhaiteraient choisir d’autres disciplines, reste la possibilité de préparer une option facultative. Or cette année, les modalités semblent confuses et varient d’une académie à l’autre. Ainsi, l’académie de Nantes a décidé d’annuler l’option facultative d’EPS en voie générale et technologique à partir de la session 2021. Tandis qu’à Lyon elle sera réservée aux candidats de la filière professionnelle.
Pour conclure, bien que les classes à horaires aménagées ne concernent que peu d’élèves, elles montrent que d’autres organisations des enseignements sont possibles. De plus, ces élèves s’intègrent sans difficulté dans les cursus classiques. Enfin, particulièrement pour les musiciens, ils sont plus en réussite scolaire que la moyenne.