Incontournable en cette saison, le bac revient chaque année faire les gros titres de la presse nationale et régionale. Pourquoi tant de désir et de crainte entourent ce diplôme en pleine mutation ?
Le fameux rite de passage du bac
Afin de préparer cet article, nous avons réfléchi avec plusieurs parents à ce que représentait le bac pour nous. Nous n’étions pas toutes et tous d’accord, mais il signifiait pour tout le monde une étape. Plus ou moins importante en fonction du vécu parental. Pour celles et ceux dont les parents n’avaient « que » le certificat d’études en poche, le bac avait revêtu l’aube de l’élite républicaine. Tandis que pour les familles déjà pourvues de bacheliers, l’obtention du diplôme sonnait comme un rituel d’accès au monde supérieur. Pour d’autres encore, issus de milieux agricoles ou artisanaux, la promesse d’une carrière intellectuelle, sous-entendue moins pénible physiquement.
Peut-être que le fantasme, l’imaginaire collectif autour de ce baccalauréat s’éclaire au regard de son absence. Si le décrocher signifie devenir adulte. Si accomplir ce rituel anxiogène c’est montrer sa réussite aux yeux de sa famille, ses voisins, son boulanger et son facteur. Enfin, si avoir ce sésame en poche attire les bonnes grâces familiales. Alors que se passe-t-il si, oh horreur !, notre jeune a calé avant le bachot ?
En France, il semblerait que « hors du bac, point de salut » ! Penser qu’il s’agit d’un rite de passage s’avère étymologiquement plutôt juste. En effet, à l’origine, en latin médiéval, le baccalarius désigne un « jeune homme qui aspire à devenir chevalier » (Wikipédia). C’est donc ceint·e·s d’une couronne de lauriers, tels des Césars vainqueurs des barbares, que nous imaginons nos grand·e·s de 18 ans. Quelle noblesse, quel panache, muni·e·s de leur diplôme sous le bras ! Nous les rêvons se dirigeant d’un pas affirmé vers l’université. Tels des guerriers rusés, armés de leur intelligence, leur bulletin de notes au poing.
Du symbolique au réel
Si l’on peut se moquer à juste titre de ces épanchements, il n’en demeure pas moins vrai que le bac reste un sésame incontournable pour accéder à l’enseignement supérieur. Pour s’en tenir à un principe de réalité, ce diplôme sanctionne le cursus secondaire. D’ailleurs, il a été créé dans le but de sélectionner les étudiants capables de poursuivre dans une des quatre facultés médiévales. Au XIIIème siècle, le baccalauréat constitue le premier grade des facultés d’arts, de médecine, de droit ou de théologie. Ensuite, Napoléon Ier crée deux autres grades, la licence et le doctorat. Cinq disciplines (sciences, lettres, droit, médecine, théologie) organisent leurs propres modalités d’obtention de leur baccalauréat. Ainsi, il faut passer les lettres avant de présenter les autres disciplines et étudier deux ans pour présenter son droit.
De plus, les statistiques donnent raison aux parents qui insistent auprès de leurs enfants pour décrocher coûte que coûte leur bachot. Les chances de s’insérer dans le marché du travail sont fortement corrélées au niveau de diplôme (lien vers l’article orientation en 3ème). Si l’obtention du bac ne donne pas accès à l’emploi, elle est la condition pour poursuivre ses études.
Cependant, il faut rappeler qu’il existe des formations hors bac ou encore d’autres passerelles pour se réorienter sans le fameux sésame. Mais les démarches, fastidieuses, peuvent en décourager plus d’un. Même si rien n’est jamais perdu, tout se complique sans ce précieux document auréolé de lauriers. C’est pourquoi, la pression des parents est forte aux alentours de 18 ans pour faire des jeunes des bacheliers.
L’objectif 80% de bacheliers
Depuis le ministère Chevènement, l’objectif des politiques, de gauche comme de droite, est d’atteindre 80% d’une classe d’âge titulaire d’un bac. Ainsi, on passe de 20% en 1970 à 79,9% en 2018 selon les chiffres de l’Education Nationale. Comment ce progrès a-t-il été possible ? Selon l’Express, c’est le nivellement par le bas qui a permis d’obtenir ces résultats en constante augmentation. Pour preuve, la part croissante de mentions, 60% en 2016 contre 1 sur 3 ou 4 entre 1968 et 2000.
Comment l’affirmer ? Et bien tout simplement en se basant sur les études Pisa qui comparent les résultats des élèves des pays de l’OCDE. En 2016, la France reste dans la moyenne (26ème sur 70). Mais ses résultats cachent de fortes disparités. Ainsi, près de 40% des élèves issus de milieux défavorisés sont en difficulté (contre 34% en moyenne dans l’OCDE). Du coup, difficile de soutenir que les résultats du bac reflètent les progrès de l’enseignement quand celui-ci affiche des performances discutables…
Et comment expliquer que maintenant il faille un Master 2 pour être professeur des écoles ? Alors que jusqu’en 2008 une licence suffisait et jusqu’en 1989 un « simple » bac pour présenter le concours de l’Ecole normale ? Seule la baisse de niveau peut expliquer cette hausse d’exigence de diplôme pour le corps enseignant.
De l’avis même des enseignants, en travaillant suffisamment, tout le monde peut avoir son bac. Ceux qui échouent étaient malades, absents en cours ou n’ont rien fait de leur année. Car, du point de vue des profs, avoir son bac n’est pas tant un problème. Et les statistiques le prouvent avec ce taux de 79,9% de bacheliers dans une génération en 2018. Dans le détail, cela donne 91,1% de réussite en filière générale, 88,9% en technologique et 82,6% en professionnelle. De très bons scores donc !
En revanche, les jeunes subissent des revers lors de la poursuite de leurs études. D’après l’Express, un tiers seulement des inscrits (en fac) obtiendront une licence – les autres rateront, ou abandonneront en cours de route faute d’avoir le niveau ou d’avoir été orienté de façon pertinente.
Le problème c’est le post bac
En fait, le bac n’est plus qu’une formalité autour de laquelle la presse fait ses choux gras chaque mois de juin depuis 50 ans. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Se gargariser d’un quasi 80% de bacheliers n’a pas de sens si derrière le taux d’échec en première année oscille entre 60 et 70% en fonction des filières. Problème d’orientation ? En grande partie oui, mais dont l’origine remonte à la fin du collège.
En effet, les élèves issus des filières professionnelles et technologiques éprouvent des difficultés accrues à s’adapter au niveau d’exigence des universités. Pour les jeunes refusés en BTS et IUT, le taux de réussite en première année de fac est bien inférieur à leurs homologues issus des filières générales. Ainsi, le taux de passage est de 43,8% en sciences économiques et gestion contre 25,5% en AES. La différence ? 68% des entrants en sciences économiques et gestion sont titulaires d’un baccalauréat général contre 43,2% en AES (source Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche).
D’autre part, le taux de sortie de l’enseignement supérieur représente le double du taux de redoublement de première année dans une même filière. Ainsi, 17,9% redoublent leur première année, toutes filières générales confondues, tandis que 32,2% sortent de l’enseignement supérieur. De fait, le défaut d’orientation s’avère flagrant. Lorsqu’il s’ajoute à un niveau scolaire insuffisant, le jeune tombe dans un piège où se mêlent dégoût et rejet du système. Certains se tournent alors vers des filières supérieures non universitaires (Sections de Techniciens Supérieurs, formations paramédicales et sociales…).
Bac d’origine et réussite post bac fortement corrélés
Filière générale versus filière professionnelle
Par ailleurs, souvent les médias s’intéressent aux bacs généraux (anciennes filières S, ES et L) dont ils divulguent les sujets. Chaque année, les sujets du bac philo amusent ou font remonter de vieilles angoisses chez certains journalistes. Personne n’ergotera sur les sujets de maths, mais tout le monde a un mot à dire sur ceux de philo. Pendant qu’au comptoir du coin boue la polémique et que s’échauffent les esprits nostalgiques de Saint-Germain des Prés, des jeunes passent leur bac professionnel. Indifférence, dédain, culture élitiste ? La partition nette entre filière générale et pro s’actualise chaque année dans les titres de la presse.
Pourtant, le taux de réussite des étudiants inscrits en L3 professionnelle est supérieur à celui des L3 générales. Ainsi, ils sont 88% à obtenir leur diplôme, contre 73,7% en filière générale. Cette réussite montre sans doute la cohérence d’un parcours. Mais aussi son homogénéité en terme de contenus et de niveau de difficulté.
Une réussite moindre en filière générale et BTS
En revanche, les bacheliers technologiques et professionnels obtiennent des scores inférieurs à leurs camarades lorsqu’il s’agit d’un cursus général. Soit respectivement 66,3% pour les premiers et 59,6% pour les seconds, contre une moyenne générale de 73,7%. Cette moyenne s’entend comme taux de réussite en un an de l’année de L3. Elle recouvre encore d’autres disparités au vu de l’écart entre étudiants issus des filières ES (80%) et L (76,5%).
De plus, les jeunes titulaires d’un bac S, ES et L décrochent plus facilement leur BTS ou DUT, avec un taux global de 82,6% contre 74,3% en filière technologique et 54,5% en professionnelle.
Orientation choisie et cohérence des parcours comme gages de succès
En conclusion, il ressort que le taux de réussite à l’université est fortement lié au bac d’origine. Mais aussi au retard éventuellement pris dans sa scolarité. Il apparait clairement que le bac n’est plus un marqueur pertinent pour évaluer les capacités à poursuivre les études. Bien plus qu’un relevé de notes, le projet, la pertinence d’un parcours bien mené, augure plus favorablement la réussite des études.
Si le bac est aussi utile qu’un permis de conduire, attelons-nous à fournir le véhicule adéquat aux jeunes pour qu’ils tracent leur propre route !